Renouvelables et biodiversité : un paradoxe insoluble ?

Renouvelables et biodiversité : un paradoxe insoluble ?
Comment concilier le développement des renouvelables en France avec la protection de la biodiversité ? La question agite depuis de longues années les défenseurs de l’environnement. Le premier Forum national des énergies renouvelables et de la biodiversité, organisé par le Syndicat des énergies renouvelables (SER) le 5 juillet 2023, a bien posé la problématique. Mais sans proposer (encore) de solutions vraiment convaincantes.

« Aucun objectif ne doit être contradictoire, il nous faut trouver des synergies » : telle est le point de départ posé par Jules Nyssen, président du SER, en ouverture du premier Forum national des énergies renouvelables et de la biodiversité, ce 5 juillet à Paris.

Comment allier le développement des renouvelables et la préservation de la biodiversité ?

Responsables politiques, représentants d’ONG de défense de l’environnement et acteurs de la filière renouvelable y ont évoqué le terrible paradoxe du développement des renouvelables, qui rogne bien souvent sur des sols et des espaces, et s’avère bien souvent délétère pour la biodiversité. Or, le gouvernement a décidé d’accélérer fermement sur les renouvelables, avec une loi dédiée (loi « Aper »), adoptée en février 2023.

Elle prévoit notamment d’étendre à davantage de projets d’énergies renouvelables une « présomption de reconnaissance » de raison impérative d’intérêt public majeur (ou RIIPM), pour cause de transition énergétique. Or, la RIIPM permet de passer outre de nombreuses normes environnementales, ou de limiter les études d’impact ou d’obtenir facilement des dérogations, par exemple en cas des destructions d’une espèce protégées.

« En moyenne, en France, il faut huit ans pour développer un parc photovoltaïque ou éolien terrestre et douze ans pour un site éolien offshore, tandis que nos voisins européens vont parfois deux fois plus vite. L’envie d’accélérer engendre des tiraillements, notamment sur le besoin de recourir à des dérogations », a reconnu Pierre Cazeneuve, député Renaissance des Hauts-de-Seine et rapporteur de la loi Aper.

« Demander une dérogation est déjà un échec »

« Demander une dérogation est déjà un échec du principe de protection stricte des espèces protégées. Elle relève déjà d’une forme d’absurdité juridique et naturaliste », a également admis Paul Elfassi, avocat associé (BCTG Avocats) et président du pôle réglementaire du SER.

Pour autant, rien n’indique que ces intérêts divergents puissent se rejoindre. Olivier Thibault, directeur général de l’Office français de la biodiversité (OFB), a par exemple indiqué que son organisme venait tout juste de lancer un projet de recherche sur les impacts de l’éolien en mer sur la biodiversité, dont les conclusions seront connues dans… cinq ans.

Or, « d’ici là, le Parlement aura arbitré notre ambition en matière d’énergies renouvelables et l’État aura déjà choisi des zones où les développer sans connaître précisément leurs impacts, risquant de mettre les développeurs juridiquement en porte-à-faux a posteriori », précise-t-il.

Des solutions ponctuelles sont évoquées, comme de « donner la priorité aux zones à moindre impact environnemental, aux terres déjà artificialisées ou polluées et en exclure les zones Natura 2000 ou les aires marines protégées » pour les futures « zones d’accélération des renouvelables », selon les mots de Véronique Andrieux, directrice générale du WWF France.

Mais le paradoxe reste entier, et aucune solution viable sur le long terme de semble se dessiner. Olivier Thibault peut se satisfaire que « le simple fait d’en débattre et de se poser ces questions ensemble est une partie de la solution », le chemin semble encore très long.