En Allemagne, le charbon plombe les objectifs énergétiques européens

En Allemagne, le charbon plombe les objectifs énergétiques européens
Parfois présentée comme un modèle à suivre en matière d'écologie, l'Allemagne doit massivement recourir au charbon pour pallier l'intermittence des énergies renouvelables. Un paradoxe qui explique les mauvais classements du pays en termes d'émissions de gaz à effet de serre, des émissions qui se jouent des frontières et entraînent des milliers de morts tant en Allemagne qu'au sein des pays voisins.

Quatrième puissance mondiale, éternelle meilleure élève de la construction européenne, montrée en exemple à suivre par la quasi-totalité de la classe politique française, l’Allemagne écoperait-elle du bonnet d’âne en ce qui concerne sa politique énergétique et climatique ? Longtemps perçu comme un modèle de vertu écologique en Europe, le pays s’enorgueillit ainsi de disposer, avec 123 gigawatts (GW) de puissance installée en éolien et solaire, quatre fois plus d’énergies renouvelables (EnR) que la France. Un effort qui fait de l’Allemagne une véritable pionnière sur le continent et dans le monde, mais qui, pour louable qu’il soit, donne une image en trompe-l’œil de l’impact de la politique énergétique allemande sur le climat… et sur la santé des Européens et de ses propres habitants.

EnR et charbon : le paradoxe énergétique allemand

En effet, si Berlin a bien misé sur les EnR, l’Allemagne n’a, en rien, tourné le dos aux énergies fossiles. En dépit – ou à cause – de ses investissements dans le renouvelable, le pays détient toujours quelque 76 GW de puissance installée fossile (charbon, gaz et fuel), soit plus de quatre fois ce que détient son voisin français. Et pour cause : les énergies renouvelables étant, par définition, intermittentes, l’Allemagne doit prévoir autant de capacités pilotables que de puissance soumise aux aléas du vent ou de l’ensoleillement. Autrement dit, pour assurer une électricité « verte » à ses habitants, le pays, qui a fait le choix de renoncer au nucléaire, n’a d’autre option que de s’appuyer sur le gaz et le charbon. L’approvisionnement de l’Allemagne en gaz reposant jusqu’à la guerre en Ukraine très largement sur les livraisons russes, Berlin se retrouve aujourd’hui plus dépendante que jamais du charbon.

Autant de raisons qui expliquent qu’en dépit de son image « écolo », l’Allemagne demeure, et de loin, le pays d’Europe le plus émetteur en tonnes de CO2 dégagées pour sa production électrique. Avec 198 millions de tonnes rejetées en 2021, l’Allemagne produit ainsi près de deux fois plus de CO2 que la Pologne, pourtant régulièrement pointée du doigt comme étant le mauvais élève européen. Et le calcul n’est pas plus à son avantage si l’on prend en compte l’ensemble des gaz à effet de serre (GES), comme le méthane ou le protoxyde d’azote : parmi les vingt-sept Etats membres de l’Union européenne (UE), l’Allemagne reste le premier émetteur, avec 839,7 millions de tonnes (Mt) de GES rejetées en 2019, contre 454,8 Mt pour la France, dont le mix énergétique accorde une bien plus grande place au nucléaire décarboné.

Les centrales à charbon allemandes parmi les plus polluantes d’Europe

La principale cause de ces mauvais résultats est à chercher du côté des centrales à charbon allemandes, les plus polluantes d’Europe. Ainsi, selon le think tank britannique Ember, sept des dix plus gros émetteurs européens étaient, en 2021, des centrales à charbon implantées en Allemagne. Les deux centrales de RWE Neurath et Niederaußem ne sont, en termes d’émissions, dépassées que par celle de Betchatów, en Pologne ; et, avec 36% de hausse, Niederaußem enregistre également la plus forte augmentation d’émissions. En tout, l’Allemagne et la Pologne abriteraient, toujours selon Ember, l’intégralité des dix installations les plus polluantes d’Europe, qui représentent à elles seules 12% des émissions totales du marché ETS (« Emissions Trading System ») ; enfin, les deux pays seraient, en 2021, à l’origine de plus de la moitié (53%) des émissions du secteur de l’électricité au sein de l’UE.

Responsables d’importantes quantités d’émissions de CO2, les centrales à charbon allemandes constituent aussi un risque sanitaire qui affecte tant les habitants d’Allemagne que ceux des pays frontaliers. En Europe, les émissions des centrales à charbon – tous pays confondus – entraîneraient ainsi le décès prématuré de près de 23 000 personnes par an. L’Allemagne est l’un des pays européens les plus touchés par le phénomène, avec près de 4 000 morts prématurées par an dues aux émissions de charbon de ses propres centrales et des pays voisins ; mais le pays figure aussi en tête de ceux dont les émissions, qui se jouent des frontières, tuent le plus grand nombre de personnes hors de son territoire : les centrales à charbon allemandes seraient ainsi responsables de la mort de près de 2 500 non-Allemands par an. Un modèle pas si vert.