Écologie : bientôt la fin des emballages alimentaires en polystyrène ?

Écologie : bientôt la fin des emballages alimentaires en polystyrène ?

            Un amendement proposant l’interdiction des emballages en polystyrène en raison de leur nocivité pour l’environnement a été voté à l’Assemblée nationale, en dépit de l’avis défavorable du gouvernement.  Celui-ci doit toutefois être validé par le Sénat et risque de se trouver en opposition avec la législation européenne. Certaines entreprises comme Danone n’ont cependant pas attendu l’action des parlementaires et ont déjà fait un pas décisif vers les emballages en plastique recyclé.

            Il y a quelques jours, les députés français ont adopté en première lecture un amendement à l’article 11 du projet de loi « Climat et résilience ». Un article qui est consacré au développement de la vente en vrac, tandis que l’amendement en question vise à interdire à partir de 2025 les emballages « constitués pour tout ou partie de polymères ou de copolymères styréniques ». Il a été mis au point en collaboration avec la fondation Tara Océan (qui travaille sur les écosystèmes marins) ce qui lui vaut le surnom d’« amendement Tara ».

Cet amendement a été déposé par Maina Sage, une députéede Polynésie qui explique la situation en ces termes, rapportés par le site spécialisé Emballages Magazine : « non seulement ces emballages présentent un haut niveau de danger pour les milieux naturels dans lesquels ils sont relâchés du fait de leur toxicité une fois dégradés, mais ce sont aussi des perturbateurs de tri qui nuisent au bon recyclage des déchets ménagers. Il convient aussi de mettre fin à ce matériau qui ne permet pas d’entrer dans une logique de réemploi ».

Bien que Maina Sage, appartiennent à un groupe parlementaire membre de la majorité (le groupe Agir ensemble, composé – entre autres – de députés UDI et LREM) l’amendement anti-polystyrène, a reçu l’avis défavorable de la rapporteuse du projet de loi et du gouvernement. Il doit maintenant être également voté par le Sénat, avant d’être définitivement inscrit dans la loi.

La ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili – pourtant membre d’Europe Ecologie-Les Verts – a justifié son avis défavorable en raison de l’incompatibilité probable d’une telle loi avec la législation européenne. L’interdiction d’un certain type de matériau pour les emballages est en effet considérée comme une restriction à l’importation et de ce fait contraire à l’article 34 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne garantissant la libre circulation des marchandises. L’amendement Tara entrerait de plus en contradiction avec la directive européenne 94/62 relative aux emballages et aux déchets d’emballages. Celle-ci dispose en effet que seuls les emballages non valorisables peuvent être proscrits, or le polystyrène est valorisable sous forme d’énergie en France et est déjà recyclé dans certains pays de l’Union européenne.

Enfin, les députés signataires de l’amendement affirment que les styrènes sont classés reprotoxiques (c’est-à-dire pouvant altérer la fertilité de l’homme ou de la femme) de catégorie 2 au niveau européen et cancérogènes probables par le Centre international de recherche sur le cancer, mais Barbara Pompili leur a opposé le fait que c’est uniquement le monomère de styrène (et non le polystyrène) qui est concerné.

Un grand pas pour l’environnement déjà franchi par de grandes entreprises

            L’avenir de l’amendement Tara est donc plus qu’incertain, car, même s’il est validé par les sénateurs, il est fort probable que les juridictions nationales ou européennes le « retoquent ». Le progrès pour l’environnement indéniable que constituerait l’abandon des emballages plastiques en général – et en polystyrène en particulier – pourrait donc être mis en œuvre d’abord par les entreprises, qui devanceraient ainsi la législation par conscience environnementale et par souhait de répondre au mieux aux attentes d’un marché de plus en plus conscient de l’impact de sa consommation sur l’écosystème.

La députée Sage a d’ailleurs précisé que « la mise en œuvre de cette interdiction [du polystyrène] à l’horizon 2025 est réaliste » et qu’elle « permettra d’encourager un mouvement initié par les acteurs économiques concernés », car de grands groupes de l’agroalimentaire comme Danone se sont déjà engagés dans cette voie. Il en va ainsi par exemple du groupe suisse Nestlé qui a déclaré souhaiter ne plus utiliser le polystyrène dans ses pots de yaourt, ou même justement du géant français Danone qui a annoncé il y a un peu plus d’un an qu’il allait consacrer plus d’un milliard d’euros sur trois ans pour atteindre un objectif de 100% d’emballages recyclables, réutilisables ou compostables d’ici 2025. Danone a ainsi investi 6 millions d’euros dans sa laiterie de Bailleul – ancrée dans le Nord depuis près d’un siècle – afin de moderniser trois de ses lignes de production et faire évoluer ses emballages qui utiliseront à partir de juillet du plastique recyclé PET.

Il est à espérer – et à parier – qu’un nombre croissant d’entreprises prendront des décisions comparables afin de ne pas subir un « green shaming » de la part de leurs clients. Des clients qui sont aussi des citoyens, et qui n’ont pas envie de contribuer à l’extension du désormais tristement célèbre « continent de plastique », une masse de déchets plastiques flottant dans l’océan pacifique et grande comme trois fois la France.