Cifrep : Une évolution majeure pour la gouvernance des filières REP

Cifrep : Une évolution majeure pour la gouvernance des filières REP
L'idée d'intégrer les éco-organismes à la Commission inter-filières de responsabilité élargie du producteur (Cifrep) gagne du terrain. À l’occasion d’un événement du Medef, le directeur général de la prévention des risques, Cédric Bourillet, a reconnu que la création du Collectif des éco-organismes pourrait bien constituer une étape décisive vers leur représentation officielle au sein de cette instance stratégique. Une possible recomposition du dialogue entre pouvoirs publics, producteurs et acteurs de la REP.

Un dialogue jusqu’ici à géométrie variable

La Commission inter-filières de responsabilité élargie du producteur, plus connue sous l’acronyme Cifrep, occupe une place centrale dans l’organisation des filières REP (Responsabilité élargie du producteur). Organe consultatif, elle rend des avis sur les sujets clés qui concernent les différentes filières : cahiers des charges des éco-organismes, objectifs de collecte, performance environnementale, ou encore modèles de financement.

Toutefois, une absence de taille a longtemps été pointée du doigt : celle des éco-organismes eux-mêmes, pourtant exécutants centraux des dispositifs REP. Ces structures, financées par les metteurs sur le marché pour organiser la collecte, le tri et le recyclage des déchets, n’étaient pas représentées en tant que telles à la Cifrep, ce qui a souvent nourri un déséquilibre dans les échanges. Seuls les producteurs, les associations de collectivités, les ONG et les pouvoirs publics participaient directement aux discussions.

Un signal politique venu du terrain

C’est à l’occasion d’un événement organisé par le Medef que la question a refait surface. Interrogé par Nathalie Yserd, directrice générale de Citeo et figure de proue des éco-organismes, Cédric Bourillet, directeur général de la prévention des risques au ministère de la Transition écologique, a laissé entrevoir une inflexion majeure : « La création du Collectif des éco-organismes ouvre la voie à leur entrée dans la Cifrep », a-t-il déclaré, soulignant une évolution des conditions de représentation.

Cette prise de position n’est pas anodine. Elle intervient dans un contexte où les enjeux de gouvernance sont de plus en plus débattus. L’organisation des filières REP repose en effet sur un triptyque complexe : le pouvoir réglementaire (État), les metteurs sur le marché (producteurs), et les opérateurs de la mise en œuvre (éco-organismes). Jusqu’à présent, ces derniers restaient cantonnés à un rôle technique, parfois consulté, rarement décisionnaire.

Le Collectif Cifrep, catalyseur d’un changement

La création récente du Collectif des éco-organismes marque un tournant. Cette entité a pour ambition de structurer une voix commune entre les différents éco-organismes actifs en France (Citeo, Ecosystem, Valdelia, Ecologic, etc.). Elle permet d’unifier les positions sur les sujets transversaux comme la simplification administrative, l’harmonisation des pratiques, ou encore la coopération avec les collectivités.

Ce regroupement facilite également la reconnaissance institutionnelle de ces structures. Là où chaque éco-organisme agissait jusqu’ici de manière dispersée, le Collectif incarne une forme de légitimité collective, ouvrant potentiellement la porte à une représentation formelle dans les instances stratégiques comme la Cifrep.

Des bénéfices pour la cohérence des politiques REP

L’entrée des éco-organismes dans la Cifrep pourrait renforcer la cohérence des décisions prises au sein de la commission. En participant aux discussions sur les cahiers des charges, les obligations de résultats ou les indicateurs de performance, ils apporteraient un retour d’expérience opérationnel indispensable à la prise de décisions efficaces et réalistes.

Cela permettrait aussi de fluidifier le dialogue entre toutes les parties prenantes. Trop souvent, les ajustements réglementaires sont perçus par les éco-organismes comme déconnectés des réalités de terrain. Une présence à la Cifrep pourrait donc réduire les tensions, améliorer la lisibilité des objectifs, et favoriser des décisions mieux partagées.

Des réserves subsistent

Mais cette évolution ne fait pas l’unanimité. Certains acteurs redoutent un risque de conflit d’intérêts. En tant qu’opérateurs financés par les producteurs, les éco-organismes pourraient être tentés de défendre des positions moins ambitieuses en matière environnementale ou de performance. D’autres s’interrogent sur leur légitimité à siéger aux côtés de l’État et des représentants de la société civile.

Pour répondre à ces inquiétudes, des garde-fous institutionnels pourraient être envisagés : par exemple, limiter leur rôle à un avis consultatif ou encadrer leur participation à certaines délibérations sensibles. L’idée n’est donc pas de transformer la Cifrep en un lieu de lobbying, mais d’en faire un espace de concertation réellement représentatif des réalités du terrain.

La Cifrep : une étape vers la maturité du système REP

Si elle se concrétise, l’entrée des éco-organismes à la Cifrep marquerait une étape de maturité pour les politiques de responsabilité élargie du producteur. Elle consacrerait la reconnaissance de ces acteurs comme piliers du dispositif, au même titre que les producteurs ou les collectivités locales.

En filigrane, cette évolution traduit une volonté de faire des politiques de gestion des déchets un effort collectif, mieux concerté et plus efficace. Une transformation qui, au-delà des équilibres institutionnels, répond à un impératif : faire face, ensemble, aux défis croissants de la transition écologique.