Un caprice ou une avancée pour la recherche spatiale ?
La mission Polaris Dawn, pilotée par Jared Isaacman, promet de repousser les limites de l’exploration spatiale privée. Ce milliardaire, qui avait déjà participé à une mission spatiale en 2021, souhaite réaliser une sortie extravéhiculaire depuis la capsule Dragon de SpaceX, à 1 400 km d’altitude. « Ce n’est pas un touriste lambda à qui on aurait dit : « on vous offre un billet » », souligne Philippe Perrin, pilote d’essai et spationaute. Les membres de l’équipage, incluant deux ingénieures de SpaceX, Anna Menon et Sarah Gillis, ainsi que le pilote Scott Poteet, ont été soigneusement sélectionnés et intensément entraînés. Cet entraînement rigoureux comprenait des heures passées en simulateur, des exercices en centrifugeuse et des activités à haut risque comme le saut en parachute. « C’est une mission à haut risque et un défi technique de haute volée », insiste Perrin, précisant que la combinaison de SpaceX, qui sera utilisée pour la première fois dans le vide spatial, n’a encore jamais été testée dans de telles conditions.
Des risques accrus mais maîtrisés
L’un des aspects les plus audacieux de cette mission est la sortie dans l’espace sans sas. Tous les membres de l’équipage seront confrontés directement au vide spatial, une situation qui, bien que risquée, a déjà été réalisée lors des premières missions habitées comme Apollo. « C’est un danger de plus », reconnaît Olivier Sanguy, responsable de l’actualité spatiale à la Cité de l’Espace de Toulouse, « mais ça a déjà été fait, c’était le cas pour les premiers vols habités ». En atteignant 1 400 km d’altitude, bien au-delà des 400 km de la Station Spatiale Internationale, Polaris Dawn prévoit de tester des limites encore inexplorées par le vol spatial privé. Cette altitude élevée comporte également des risques accrus de radiations, ce qui est l’un des principaux sujets d’étude de cette mission. « Les vols spatiaux étant encore rares, plus ils sont nombreux, plus on apprend », explique Sanguy, ajoutant que la NASA espère tirer des leçons de ces missions privées pour améliorer sa propre compréhension et ses pratiques.
La controverse de l’égoïsme et de l’utilité scientifique
Les critiques sur la mission Polaris Dawn ne manquent pas, certains qualifiant l’initiative de Jared Isaacman de caprice de milliardaire. Le coût élevé et la nature privée de cette aventure soulèvent des interrogations sur son impact environnemental et ses bénéfices réels. « On se demande s’il est légitime de dépenser toute cette énergie et cet argent simplement pour le plaisir d’un homme », déclare Philippe Perrin. Toutefois, les partisans de la mission défendent son utilité scientifique. En plus de tester de nouveaux équipements, l’équipe réalisera une quarantaine d’expériences, incluant l’étude des effets des radiations à haute altitude. « On peut le voir comme l’habillage d’un plaisir personnel mais ce serait toutefois simpliste de qualifier ce vol de tourisme spatial », affirme Sanguy. En effet, contrairement à des précédents vols purement touristiques, Polaris Dawn cherche à contribuer à la recherche spatiale, notamment en collaboration avec la NASA, qui espère bénéficier des données récoltées pour ses propres programmes futurs.