Protéger les forêts, un travail de fourmi ?

Protéger les forêts, un travail de fourmi ?
Les forêts sont des écosystèmes-clés, deuxième puits de carbone mondial et premier refuge de la biodiversité : notre avenir en tant qu’espèce dépend de leur sauvegarde. En France, c’est la filière forêt-bois qui assure leur protection au quotidien, notamment face aux conséquences du changement climatique. Elle s’appuie, dans cette tâche, sur une coopération avec la biodiversité locale, en particulier animale – pollinisateurs, oiseaux, écureuils, castors, loups ou… fourmis. La faune rend des services nombreux, variés, et parfois étonnants à la sauvegarde des forêts françaises. Voilà une raison de plus, pour la filière, de défendre la diversité forestière.

La filière forêt-bois, au service de la protection des forêts

Garante de la gestion multifonctionnelle de nos forêts[1], forte de près de 400 000 membres, la filière forêt-bois française agit sur tous les aspects, aussi nombreux que divers, concourant à leur sauvegarde. Elle lutte par exemple contre les risques naturels, notamment les incendies, par des actions de prévention, de sensibilisation, de repérage des feux et de soutien aux pompiers. Les forestiers interviennent également en aval, ayant la charge de la restauration des parcelles ravagées par le feu, les tempêtes ou les inondations.

La filière effectue également des tâches courantes essentielles à la gestion des forêts, telles que la planification et l’exécution des coupes de bois. Ces activités incluent le reboisement, l’élagage ou encore la gestion des maladies. Cruciales pour le maintien de la santé et de la vitalité des forêts, elles contribuent à la durabilité de la forêt et à la conservation de la biodiversité.

Ces actions répondent à un enjeu majeur : l’adaptation au changement climatique, notamment le dépérissement des arbres qu’il favorise. En effet, la hausse des températures fragilise de nombreuses essences, comme les sapins victimes de rougissement. Les automnes doux favorisent les ravageurs, insectes (comme le scolyte de l’épicéa) ou les champignons et apparentés (comme l’encre du châtaignier).

Face à ces dangers, la filière forêt-bois agit à deux niveaux : elle gère les crises épidémiques, par des coupes sanitaires et une protection des arbres sains ; elle soutient la résilience des sous-bois au long terme, en favorisant des essences d’arbres et des modes de sylviculture offrant une meilleure résistance à la chaleur ou aux ravageurs. Tous les ans, la filière dresse un bilan de ces actions et un état des lieux de nos sous-bois dans L’Observatoire des forêts françaises, un projet porté conjointement par les cinq grands acteurs du domaine : l’IGN[2], le CNPF[3], l’ONF[4], France-Bois Forêt et l’OFB[5].

La biodiversité, première protectrice des forêts

Pour mener à bien le travail de sauvegarde des forêts, la filière doit pouvoir s’appuyer sur ses précieux alliés : la faune forestière. Les pollinisateurs jouent le rôle le plus connu : en transportant le pollen, abeilles, bourdons ou papillons assurent la fécondation (et donc la reproduction) des plantes à fleur, en particulier les arbres. Autre rouage assez connu : les mammifères et les oiseaux assurent l’indispensable dispersion des graines, en les accrochant dans leurs poils ou leurs plumes, ou en les mangeant puis en les déféquant. Une analyse récente a démontré ce rôle-clé des animaux dans la régénération naturelle des forêts.

D’autres apports de la faune forestière sont moins intuitifs. Une étude récente a ainsi révélé le rôle-clé des fourmis des bois dans la dispersion des graines. L’évolution a en effet conduit certaines plantes à produire des graines disposant d’un appendice riche en graisse : ce nutriment, rare en forêt, attire les fourmis, qui le dévorent en laissant les graines intactes, prêtes à donner naissance à une nouvelle plante. Dans la même logique, les écureuils (et d’autres rongeurs) aiment stocker des graines dans des cachettes nombreuses. Mais ils oublient régulièrement la localisation de certaines, ou peuvent se faire tuer par un prédateur. Dans les deux cas, les graines restent à l’abri pour croître et pousser !

Tant d’autres animaux participent à la bonne santé des forêts. Le castor, en créant avec ses barrages des étangs et des marécages, dote la forêt de couloirs anti-incendies naturels. Le clyte bélier, un insecte pollinisateur, possède par ailleurs des larves qui dévorent le bois mort et nettoient les sous-bois. N’oublions pas la faune souterraine (vers de terre, taupes, insectes, gastéropodes, arachnides…), qui transforme les déchets organiques en humus, nécessaire à la croissance des sous-bois.

Une coopération vertueuse

La filière forêt-bois doit donc préserver ces différentes espèces. Pour cela, les forestiers assurent au quotidien la préservation des sols et des cours d’eau, propices à l’épanouissement de la biodiversité, ils prennent en compte la nidification des oiseaux dans toute action humaine en forêt, et conservent dans les sous-bois certains des arbres morts et à cavité, essentiels pour le développement de milliers d’insectes. La filière s’attache aussi à restaurer l’équilibre forêt-gibier, notamment en luttant contre la surpopulation de grands ongulés, dommageables à la pousse des jeunes arbres.

Ce rôle historique a été renforcé en 2012 par la création de la Mission d’intérêt général biodiversité, dont le budget ne cesse d’augmenter – 2,4 millions d’euros annuels jusqu’en 2020, 10 millions en 2021, 15 millions en 2023, 17,5 millions en 2024. Dans la même logique, les certifications PEFC et FSC garantissent que le bois utilisé et vendu provient de forêts gérées durablement, garantissant le respect des espèces protégées, de la faune, de la flore et des travailleurs du bois.

La filière compte d’ailleurs parmi ses membres plusieurs centaines de forestiers-naturalistes. Ces experts réalisent « des inventaires sur les rapaces, les insectes, des inventaires de lichens ou de fonge, des suivis sur des espèces menacées (lynx, grand tetras…), des suivis floristiques ou d’habitats faisant des liens avec notre la gestion forestière et son contexte… De nombreuses facettes de la biodiversité sont prises en compte ! », explique Damien Bertrand, responsable national Biodiversité et environnement au département Gestion durable et multifonctionnelle des forêts à l’ONF.

Ces actions participent à un cercle vertueux : mieux protéger la biodiversité conduit à bénéficier de davantage de « coups de patte » des animaux dans la préservation des écosystèmes ; la bonne santé de ces derniers favorise en retour la biodiversité forestière. Cette dynamique offre ainsi à la France des forêts en croissance continue, toujours plus denses, diversifiées et résilientes, toujours mieux armées et soutenues pour faire face aux défis d’aujourd’hui… et de demain.

[1]Combinant préservation de la biodiversité, production de bois (un matériau-clé de la transition écologique), accueil du public et prévention des risques naturels.

[2]Institut national de l'information géographique et forestière.

[3]Centre national de la propriété forestière.

[4]Office national des forêts.

[5]Office français de la biodiversité.