RE2020 : de la construction bas carbone à la rénovation bas carbone

RE2020 : de la construction bas carbone à la rénovation bas carbone
La France, depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle Réglementation environnement 2020 (RE2020), le 1er janvier dernier, a fait un pas important vers la décarbonation du secteur bâtimentaire. Seulement, le texte, qui remplace la Réglementation thermique 2012 (RT 2012), ne concerne que les logements neufs, et certaines voix plaident pour qu’une avancée semblable ait lieu dans le secteur de la rénovation énergétique.

Il n’est pas illégitime de penser que le pays qui a hébergé la COP21, fin 2015, se doit d’être exemplaire en matière de lutte contre le dérèglement climatique. Et ça tombe bien, puisque la France vient d’adopter la nouvelle Réglementation environnementale (RE2020), en vigueur depuis le 1er janvier dernier, qui vise à réduire considérablement l’empreinte carbone des bâtiments neufs (30 % sur 10 ans). Car, pour rappel, le bâtiment représente le quart des émissions de gaz à effet de serre (GES) tricolores – le deuxième secteur le plus polluant, juste derrière les transports.

« Les bâtiments, du fait de leurs consommations d’énergie, mais aussi de la façon dont nous les construisons, représentent une part conséquente » de ces rejets carbonés, reconnaissait Barbara Pompili, la ministre de la Transition écologique, l’an dernier. « Grâce à la réglementation environnementale 2020, nous accélérons la décarbonation de ce secteur, en agissant sur la phase de construction qui, pour un bâtiment neuf performant, représente entre 60 % et 90 % de son impact carbone total ».

« Passoires thermiques »

Fini, le recours aux énergies fossiles  – extrêmement polluantes, majoritairement responsable du dérèglement climatique sur la planète –, avec la RE2020 ; désormais, les constructeurs devront utiliser des sources énergétiques renouvelables ou faiblement émettrices de GES. Et, apport fondamental du texte qui vient remplacer la RT2012, l’impact environnemental des constructions neuves sera mesuré sur l’ensemble de leur cycle de vie – construction et mode de vie, donc. Une avancée significative pour le secteur du bâtiment, en tout cas pour les futures constructions neuves. 

A l’occasion de la première Journée nationale de lutte contre la précarité énergétique, organisée le 10 novembre 2021 sur proposition de la Fondation Abbé Pierre, notamment, l’Observatoire national de la précarité énergétique alertait sur le point suivant : 5,6 millions de ménages, aujourd’hui en France (soit 12 millions de personnes, et 20 % de la population), se trouvent en situation de précarité énergétique. Et, problème, pointent du doigt certaines associations : la RE2020, toute audacieuse qu’elle est s’agissant du bâti à venir, ne couvre pas le parc de bâtiments existants.

Ces mêmes associations, regroupées au sein d’une organisation chapeautée par la Fondation Abbé Pierre, d’exhorter, à ce titre, les pouvoirs publics à intensifier les rénovations énergétiques, partout sur le territoire. Car, rappellent-elles, les « passoires thermiques » telles que définies dans la loi dite « Grenelle 2 » en 2010 – les habitations pour lesquelles les ménages sont obligés de consacrer une part importante de leur budget aux dépenses énergétiques –, ne sont pas seulement une aberration environnementale, avec des déperditions de chaleur. Elles sont aussi une catastrophe sociale.

Lors de l’hiver 2019, expliquent ces mêmes associations, ce sont ainsi 14 % des Français qui ont déclaré avoir souffert des températures basses. Et cela pendant au moins 24 heures. Pour 31 % d’entre eux, l’inconfort avait été causé par… une limitation volontaire de l’utilisation d’énergie pour des raisons financières. Selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), de plus, habiter dans une telle « passoire thermique » renforcerait de moitié le risque de se déclarer en mauvaise santé – 700 millions d’euros de frais de santé seraient ainsi imputables à la précarité énergétique.

« Rénovations résilientes »

Afin de répondre à cette triple urgence (écologique, sociale et économique), d’aucuns plaident désormais pour que le parc existant connaisse une rupture semblable à celle instaurée par la RE2020 dans le neuf. Car il est curieux, voire paradoxal, d’après elles, de voir la nouvelle réglementation s’appliquer au bâti neuf, en laissant sur le côté de ce « virage carbone » le parc de logements existants, considérables. 

L’une de ces contradictions, et pas des moindres ? La possibilité, offerte aux ménages, de bénéficier d’une aide pour l’installation d’une chaudière au gaz, pourtant interdite dans les nouvelles maisons depuis janvier 2022… Or, ce sont précisément les sources énergétiques de remplacement, renouvelables ou bas carbone, plus économiques, qui permettent de réaliser des économies d’énergie et de limiter les émissions de C02. Tandis que, dans un logement neuf, le recours à une pompe à chaleur ou au bois pour se chauffer sera encouragé, ce ne sera pas le cas dans un logement existant, où les ménages pourront continuer à se chauffer au gaz – bien plus polluant. Le ministère fait cependant valoir que les aides allouées aux appareils plus écologiques comme les pompes à chaleur ou les chaudières biomasse sont de plus en plus importantes, afin d’encourager les Français à utiliser des énergies plus propres.

Partantes pour que la France joue pleinement son rôle dans la transition énergétique, des voix s’élèvent pour faire converger les ambitions environnementales du neuf au parc à rénover. Marjolaine Meynier-Millefert, députée (La République en Marche) et présidente d’Alliance HQE-GBC, en fait partie. Et veut croire, « alors que le neuf est passé d’une réglementation thermique à une réglementation environnementale, […] que bientôt, plus personne ne parlera de rénovation thermique, ni de rénovation énergétique, mais […] de rénovation environnementale, voire de rénovations résilientes, à mesure qu’elles s’adapteront aux problématiques du changement climatique ».