Les forêts du patrimoine mondial émettent désormais plus de CO2 qu’elles n’en stockent

Les forêts du patrimoine mondial émettent désormais plus de CO2 qu’elles n’en stockent
Le moment est historique pour la planète, les dix forêts du patrimoine mondial sont devenues émettrices de gaz à effets de serre à cause de la multiplication des incendies. Un scénario similaire pourrait-il toucher les forêts françaises ?  

Dans un rapport publié le jeudi 28 octobre, l’UNESCO, le World Resources Institute et l’Union internationale pour la conservation de la nature mettent en lumière un paradoxe : les dix forêts classées au patrimoine mondial de l’humanité émettent désormais plus de dioxyde de carbone qu’elles n’en ont emprisonné au cours des 20 dernières années à cause de la multiplication des incendies. Ces forêts sont éminemment importantes pour la planète, compte tenu du fait qu’elles sont de véritables puits de carbone qui stockent et recyclent le CO2. « Sur 55 sites, un hectare moyen de forêt du patrimoine mondial peut absorber en un an la même quantité de carbone que celle émise par une voiture particulière », estiment les experts du rapport. 

Entre 2001 et 2020, à cause des feux, elles auraient perdu l’équivalent en surface de la Belgique et aujourd’hui, 60 % de ces sites seraient même directement menacés par le risque d’incendie. Les experts pointent du doigt la responsabilité de l’Homme dans la multiplication des feux. S’ils sont favorisés par le réchauffement climatique, ils sont aussi le résultat de la déforestation et de la surexploitation des forêts. Or, « les forêts du patrimoine mondial n’offrent des avantages critiques pour le climat que si elles sont préservées des menaces ».

Les experts recommandent la mise en place de politiques de gestion spécifiques aux forêts du patrimoine mondial

Afin de permettre aux forêts du patrimoine mondial de retrouver leur rôle de puits de carbone, les experts souhaitent que des plans d’adaptation au changement climatique soient adoptés sur chaque site classé. Cela devrait permettre d’apporter des réponses rapides et efficaces en cas de catastrophe. Ils recommandent également que les terres autour de ces derniers soient protégées, pour préserver les équilibres naturels.

L’UNESCO préconise aussi que les sites du patrimoine mondial soient explicitement inclus dans les stratégies nationales des pays, « car ils ont le potentiel inhérent de servir de laboratoires vivants et d’influencer l’élaboration des politiques », telles que les Objectifs de développement durable (ODD), les plans d’action sur le climat (par exemple, les Contributions déterminées au niveau national dans le cadre de l’accord de Paris) et les stratégies de biodiversité dans le projet de Cadre mondial pour la biodiversité après 2020. La mise en place d’une politique nationale de gestion forestière permet, quand elle est durable, d’assurer le renouvellement et la bonne santé des forêts, à rebours de la tendance générale de déforestation. En témoigne le cas français :  l’Hexagone, qui dispose d’une politique forestière depuis 1963, a vu ses forêts s’étendre en continu depuis 1985. Selon l’IGN, « le stock de bois présent en forêt a progressé également très fortement, avec +50 % entre 1985 et 2010 ».

La France, un modèle de gestion forestière durable

Grâce à la gestion forestière, la forêt française est aujourd’hui la première forêt feuillue d’Europe et la quatrième en termes de surface, couvrant 31 % du territoire national et absorbant chaque année 50 millions de tonnes de CO2. Le pays a fait de l’utilisation raisonnée de la ressource bois, un des leviers majeurs de sa transition écologique et de son projet de société bas carbone. 

La France n’échappe pas pour autant au réchauffement climatique : il y aura également de plus en plus de feux de forêt dans les peuplements. D’après l’indice forêt météo, qui estime le danger météorologique de feux de forêt sur le territoire depuis les années 80, le risque d’incendie aurait augmenté de 18 % entre la période 1961-1980 et la période 1989-2008. D’ici 2040, il devrait progresser de 30 % par rapport à la période 1961-2000. 

Pour gérer au mieux ce risque, les forestiers surveillent les forêts afin que le combustible ne s’accumule pas jusqu’à un seuil critique. Ils cloisonnent également les massifs pour empêcher la propagation des feux et s’assurent qu’un accès est disponible pour les équipes d’intervention. Le secteur public n’est pas en reste puisque l’Office National des Forêts organise chaque année des opérations de prévention, afin que les usagers et riverains adoptent les bons gestes aux abords des forêts : proscrire toute source d’incendie (barbecues, mégots, étincelles), éviter le stockage de combustible en grande quantité et contribuer à la surveillance des massifs. 

En créant des synergies entre forestiers, forces de sécurité et citoyens, la France a non seulement réussi à limiter le nombre d’incendies malgré l’augmentation du risque, mais a également su faire augmenter la surface de sa forêt. Un savoir-faire qui pourrait inspirer de nombreux pays à travers le globe.