La stratégie « de la ferme à la fourchette » de l’Union Européenne est-elle réaliste ?

La stratégie « de la ferme à la fourchette » de l’Union Européenne est-elle réaliste ?
Ce 19 octobre 2021, le Parlement Européen a adopté un rapport d'initiative favorable à la stratégie « de la ferme à la fourchette », présenté mi-2020 par la Commission européenne. Cette stratégie vise à décliner à l'agriculture les principes du Green Deal de l'Union Européenne, et réduire drastiquement les émissions carbone du secteur. Au risque, selon les syndicats agricoles, de provoquer une explosion des prix et des importations.

Quelle stratégie agricole est vraiment verte ? La question demeure d’une extrême complexité. Engagé dans un Green Deal, l’Union Européenne veut verdir son secteur agricole, responsable de 30% de ses émissions de gaz à effet de serre.

Le Parlement Européen adopte un texte préliminaire à un Green Deal pour l’agriculture

Ce 19 octobre 2021, le Parlement Européen a ainsi validé un rapport d’initiative favorable à la stratégie « de la ferme à la fourchette ». Cette stratégie, présentée par la Commission Européenne mi-2020, veut métamorphoser le monde agricole européen. Au menu d’ici 2030 : tripler les terres consacrées à l’agriculture biologique (pour les porter à 25%) et à la jachère (pour les amener à 10% du total), réduire de moitié les pesticides de synthèse et de 20% les engrais.

Sur le papier, ces mesures semblent favorables à l’environnement. Elles posent toutefois question, à deux niveaux. Tout d’abord, une agriculture biologique ayant recours au labour systématique et utilisant des pesticides « naturels », mais ravageurs pour l’environnement (comme le sulfate de cuivre), peut avoir un impact sur les sols bien plus désastreux qu’une agriculture « traditionnelle » et raisonnée.

Les syndicats agricoles et la droite craignent une hausse des prix et des importations

Ensuite, ces mesures pourraient, selon les syndicats agricoles et les élus de centre et de droite du Parlement Européen, provoquer une baisse de production de 10 à 30%, entraînant une hausse des prix des produits agricoles européens, et un recours massif aux importations. Conséquence finale : une délocalisation des émissions et la perte de la sécurité alimentaire de l’Union.

« Le fond n’est pas bon, la forme non plus. C’est un signal très négatif qu’on envoie au monde agricole et aux Européens en leur faisant croire que la solution serait de produire moins. Il faut au contraire investir massivement pour produire mieux, miser sur la recherche et l’agriculture de précision », défend l’eurodéputée française Anne Sander (PPE, droite).

Les Verts défendent un profond changement de paradigme

A l’inverse, les eurodéputé Les Verts/ALE estiment que « notre système alimentaire a besoin d’un changement rapide d’orientation ». L’Union doit, selon eux, accompagner cette transition, notamment via une réduction des marges de la grande distribution sur les produits agricoles ou grâce à une taxe carbone aux frontières. « Notre agriculture est un destructeur de biodiversité et une source de carbone, à un moment, il faudra accepter de produire moins », affirme le Belge Philippe Lamberts, coprésident du groupe des Verts/ALE.

Quoiqu’il en soit, cette adoption par le Parlement n’est que la première pierre d’un long chemin pour déboucher sur d’éventuelles lois européennes. Les discussions promettent d’être complexes et passionnées.