L’empreinte de la décarbonation industrielle toujours trop lente de la France

L’empreinte de la décarbonation industrielle toujours trop lente de la France
Malgré les annonces répétées sur l’urgence climatique, la décarbonation de l’industrie française progresse à un rythme encore insuffisant pour atteindre les objectifs de neutralité carbone d’ici 2050. Si les plans d’investissement se multiplient, la réalité des chantiers révèle des délais, des blocages techniques et un manque de cohérence entre politiques publiques et besoins industriels.

Des ambitions fortes, des résultats encore modestes

Le secteur industriel représente près de 18 % des émissions nationales de gaz à effet de serre. Les grands sites – sidérurgie, chimie, cimenterie – concentrent à eux seuls l’essentiel des rejets. Depuis 2020, plusieurs dispositifs de soutien ont vu le jour : fonds “Décarbonation” de Bpifrance, appels à projets France 2030, et contrats de transition pour l’industrie lourde.

Mais le déploiement reste lent. De nombreux projets labellisés n’ont pas encore démarré, faute d’autorisations ou de financement complémentaire. La dépendance persistante au gaz et au charbon pour certains procédés industriels freine la transition. Dans la sidérurgie, par exemple, la conversion vers l’hydrogène vert reste largement à l’état de démonstration, et les premières unités pilotes ne verront pas le jour avant 2027 ou 2028.

Les ONG pointent un autre angle mort : la consommation énergétique globale du secteur baisse peu. En 2024, les émissions industrielles n’ont reculé que de 1,5 %, loin des 4 % annuels nécessaires pour tenir la trajectoire climatique nationale.

Une transition structurelle à repenser

Les experts s’accordent sur un point : la décarbonation industrielle ne pourra se faire sans une refonte du modèle énergétique français. Le déploiement des réseaux d’hydrogène, la décarbonation du mix électrique et la valorisation de la chaleur fatale constituent des leviers essentiels. Mais ces projets supposent une planification à long terme et une coordination étroite entre État, industriels et territoires.

Certains signaux positifs émergent : des projets d’électrolyse à Fos-sur-Mer, Dunkerque ou Le Havre, et des initiatives locales de captage-stockage du CO₂ (CCUS). Toutefois, les filières restent à consolider et les coûts, élevés. Selon l’Ademe, la décarbonation complète de l’industrie française nécessiterait près de 60 milliards d’euros d’investissements d’ici 2035.

Sans une accélération majeure et des politiques plus lisibles, la France risque de rater le virage industriel bas-carbone que ses voisins européens ont déjà amorcé. Le défi est désormais de passer des stratégies à la mise en œuvre opérationnelle.