Alors que les effets du réchauffement global s’intensifient partout dans le monde, les chercheurs alertent sur une conséquence encore trop peu prise en compte : l’augmentation des tensions et des conflits liés aux bouleversements environnementaux. Stress hydrique, migrations climatiques, raréfaction des ressources ou effondrement agricole : autant de facteurs susceptibles d’attiser les rivalités entre États, communautés ou groupes armés.
La raréfaction des ressources, premier moteur de tensions
Partout sur la planète, les ressources essentielles se font plus difficiles d’accès. Dans certaines régions déjà arides, la baisse des précipitations provoque une compétition accrue pour l’eau potable et l’irrigation. À mesure que les cours d’eau diminuent ou changent de trajectoire, des États voisins doivent redéfinir leurs usages, parfois au prix de crises diplomatiques.
Le Moyen-Orient, la Corne de l’Afrique ou l’Asie du Sud figurent parmi les zones les plus exposées. Les sécheresses à répétition fragilisent l’agriculture, provoquent des pénuries alimentaires et nourrissent des tensions historiques. Plusieurs rapports, notamment du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), établissent un lien croissant entre instabilité climatique et risques de conflit armé.
Des migrations climatiques qui reconfigurent les équilibres
Avec la montée des eaux, l’avancée des déserts et l’intensification des catastrophes naturelles, des millions de personnes devront quitter leur région dans les décennies à venir. Selon certaines projections, plus de 200 millions de personnes pourraient devenir « réfugiés climatiques » d’ici 2050.
Ces déplacements massifs risquent d’exacerber les tensions dans les zones d’accueil, qu’il s’agisse de régions voisines déjà fragilisées ou de pays plus développés confrontés à des pressions migratoires inédites. La compétition pour les terres, l’accès à l’emploi ou les infrastructures peut faire basculer des tensions sociales en crises politiques.
Plusieurs ONG alertent déjà : sans politiques d’adaptation ambitieuses, ces migrations pourraient devenir l’un des principaux moteurs de conflits du XXIᵉ siècle.
L’instabilité économique comme catalyseur
Le réchauffement climatique menace directement les économies fondées sur l’agriculture, la pêche ou le tourisme. Dans les pays les plus vulnérables, la perte de revenus provoque des crises sociales profondes. Les conflits internes trouvent souvent un terreau favorable dans ces contextes de précarité accrue.
L’exemple du Sahel est frappant : la réduction des pâturages provoque des affrontements entre agriculteurs et éleveurs, tandis que les groupes armés exploitent les difficultés économiques pour étendre leur influence.
En Asie ou en Amérique latine, les phénomènes météorologiques extrêmes fragilisent les infrastructures, détruisent des récoltes et aggravent les inégalités. Lorsque les populations perdent leurs moyens de subsistance, la défiance envers l’État augmente, créant des conditions propices à l’émergence de violences.
Des tensions géopolitiques accrues autour des nouvelles routes stratégiques
Certaines régions pourraient devenir de nouveaux points chauds. Le recul de la banquise dans l’Arctique ouvre des voies maritimes inédites et attise les rivalités entre grandes puissances, de la Russie au Canada en passant par la Chine. Les ressources minérales et énergétiques de cette zone désormais accessible excitent également les convoitises.
De même, la lutte pour les ressources rares nécessaires à la transition énergétique — lithium, cobalt, terres rares — pourrait générer de nouveaux conflits d’influence, alors que ces matériaux deviennent indispensables pour les batteries et les technologies bas-carbone.
Un défi mondial qui nécessite une réponse collective
Les chercheurs sont unanimes : le changement climatique n’est pas seulement un enjeu environnemental, mais bien un facteur de sécurité internationale. Les conflits qu’il peut engendrer ne seront pas la conséquence directe des températures, mais résulteront d’une série de fragilités économiques, politiques et sociales exacerbées par le climat.
Pour éviter un embrasement progressif, la communauté internationale devra investir massivement dans l’adaptation, renforcer la coopération transfrontalière et anticiper les mouvements de population. Sans une action coordonnée, ces tensions pourraient devenir l’un des moteurs centraux des crises internationales des prochaines décennies.
