Des simplifications ciblées qui affaiblissent le droit
Depuis 2023, plusieurs textes européens ont été amendés ou reportés au nom de la simplification : règlement sur la restauration de la nature, stratégie pesticides, directives sur les emballages ou la qualité de l’air. Dans chaque cas, la Commission justifie ces ajustements par la nécessité de “réduire les charges pour les entreprises” ou de “favoriser la cohérence réglementaire”.
Or, selon les associations environnementales, ces modifications se traduisent souvent par un abaissement des exigences initiales. Certains États membres plaident pour des seuils plus souples ou des délais allongés, invoquant des coûts excessifs pour l’agriculture, l’industrie ou le logement. La crainte est celle d’un affaiblissement progressif des piliers du droit environnemental européen, acquis au fil de plusieurs décennies.
Les juristes alertent également sur une tendance structurelle : la mise en concurrence des États au nom de la “flexibilité réglementaire”. En cherchant à alléger les procédures, l’Europe risque de fragmenter son cadre juridique et de fragiliser son leadership écologique international.
Trouver un équilibre entre efficacité et ambition
Les institutions européennes défendent pourtant la démarche. Pour la Commission, simplifier ne signifie pas régresser : il s’agit d’améliorer la clarté des textes, d’éviter les redondances et d’accélérer les projets durables. Des initiatives comme REFIT ou la Better Regulation Agenda visent à rationaliser la production normative, sans remettre en cause les objectifs du Pacte vert.
Mais la frontière reste ténue. Les ONG rappellent que la protection de l’environnement repose sur des règles contraignantes, pas sur des principes d’intention. En France, en Espagne ou en Pologne, des réformes nationales inspirées de cette logique européenne ont déjà entraîné des reculs : réduction des évaluations environnementales, dérogations plus fréquentes pour les projets d’infrastructures ou accélération des procédures d’autorisation.
Pour les observateurs, l’enjeu est désormais d’inventer une simplification exigeante : une réglementation plus lisible, mais sans renoncer à la rigueur scientifique ni à la prévention des risques. À l’heure où l’Europe veut concilier compétitivité et durabilité, c’est sans doute là que se jouera la crédibilité de son modèle.