Vingt ans après les premières alertes sanitaires liées à la pollution des fonds marins, l’État a lancé à Marseille un chantier XXL de dépollution dans le parc national des Calanques. Objectif : retirer ou neutraliser des milliers de tonnes de sédiments contaminés par des métaux lourds issus d’anciennes activités industrielles. Un projet d’envergure, mais qui soulève autant d’espoirs que de doutes sur sa faisabilité réelle.
Un héritage industriel lourd à traiter
Pendant plus d’un siècle, les industries chimiques installées autour de Marseille et de Cassis ont rejeté leurs déchets directement dans la mer. Résultat : une contamination durable des fonds, notamment autour de la calanque de Cortiou, point de rejet historique des effluents urbains et industriels.
Les analyses réalisées ces dernières années montrent des concentrations élevées de mercure, d’arsenic et de plomb dans les sédiments. Ces polluants persistent, s’accumulent dans la faune marine et menacent durablement les écosystèmes côtiers. La dépollution lancée en 2025 prévoit plusieurs étapes : confinement des zones les plus touchées, dragage ciblé des sédiments et suivi écologique renforcé sur une décennie.
Mais sur le terrain, la tâche s’annonce complexe. Les zones concernées sont vastes, difficiles d’accès et proches d’espaces naturels protégés. Les associations locales redoutent que le chantier ne provoque des remises en suspension de polluants, aggravant temporairement la contamination.
Un chantier test pour la dépollution marine en France
Ce projet constitue une première à l’échelle nationale. Jamais la France n’avait engagé une opération de dépollution marine d’une telle ampleur. Il mobilise près de 80 millions d’euros, financés par l’État, les collectivités locales et l’Union européenne. Des technologies innovantes seront expérimentées, notamment des barrières sédimentaires et des procédés de traitement in situ inspirés de techniques scandinaves.
Les scientifiques rappellent toutefois que la dépollution totale est illusoire : il s’agit davantage de réduire les risques environnementaux que d’effacer toute trace de pollution. La clé sera la surveillance continue des fonds marins et l’adaptation des techniques au fil du temps.
Au-delà du cas marseillais, le chantier des Calanques pourrait devenir un prototype national pour d’autres sites littoraux pollués, comme ceux de l’estuaire de la Seine ou du golfe de Fos. S’il réussit, il prouvera qu’une gestion active de la pollution marine est possible. Mais il rappellera aussi à quel point les passifs industriels continuent, des décennies plus tard, à peser sur les milieux naturels.