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Décarbonation de l’industrie : un défi colossal au cœur de la transition énergétique

Technologie de capture du carbone utilisée dans une papeterie industrielle pour réduire les émissions de CO₂

Des technologies innovantes, soutenues par la coalition Frontier, permettent de capturer les émissions industrielles et de promouvoir une économie durable

Responsable de près d’un tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre, l’industrie se retrouve en première ligne de la lutte contre le réchauffement climatique. Réduire son empreinte carbone apparaît comme une priorité pour concilier performance économique et transition énergétique durable. Mais comment transformer des secteurs aussi lourds que la sidérurgie, la chimie ou le ciment ?

Une contribution majeure aux émissions mondiales

Dans l’équation climatique, l’industrie occupe une place centrale. Selon l’Agence internationale de l’énergie, elle représente environ 30 % des émissions de CO₂ à l’échelle mondiale. Certaines branches, comme la métallurgie ou le ciment, reposent sur des procédés très énergivores et difficilement substituables. Leur transformation demande des innovations technologiques de rupture et des investissements massifs.

En France, l’enjeu est d’autant plus stratégique que l’industrie, affaiblie depuis plusieurs décennies, cherche à se réindustrialiser. Décarboner ce secteur revient donc à relever deux défis simultanément : réduire les émissions tout en renforçant la compétitivité et l’attractivité des sites de production.

L’efficacité énergétique, première marche de la transition

La piste la plus accessible reste celle de l’efficacité énergétique. Réduire les pertes, améliorer l’isolation, optimiser les moteurs électriques, récupérer la chaleur fatale issue des fours ou des chaînes de production : autant de leviers qui permettent de diminuer la consommation sans bouleverser les procédés.

De nombreuses entreprises investissent déjà dans ces solutions « low-tech » mais rentables, qui peuvent réduire les émissions de 10 à 20 %. C’est aussi un moyen d’alléger la facture énergétique, un argument de poids dans un contexte de prix de l’électricité et du gaz très volatils.

Passer aux énergies renouvelables

La transition énergétique de l’industrie passe également par un recours accru aux énergies renouvelables. Solaire, éolien, hydraulique ou biomasse peuvent alimenter une partie des besoins, notamment pour la production d’électricité. Certaines entreprises concluent des contrats d’approvisionnement à long terme (PPA) avec des producteurs d’énergie verte, garantissant à la fois stabilité des prix et réduction de l’empreinte carbone.

Mais cette mutation se heurte à une limite de taille : tous les procédés industriels ne peuvent être électrifiés facilement. Les températures extrêmes requises pour la sidérurgie ou la chimie lourde dépassent souvent les capacités actuelles des énergies renouvelables.

L’hydrogène et le captage du carbone, pistes d’avenir

Pour les industries dites « difficiles à abattre », comme le ciment ou l’acier, de nouvelles technologies apparaissent. L’hydrogène vert, produit par électrolyse de l’eau grâce à de l’électricité décarbonée, pourrait remplacer le charbon dans certains procédés métallurgiques. Des projets pilotes sont en cours en Europe, mais les coûts restent encore prohibitifs.

Autre solution avancée : le captage, stockage et valorisation du carbone (CCUS). Cette technologie consiste à piéger le CO₂ émis par les usines pour le stocker dans le sous-sol ou le réutiliser dans d’autres filières industrielles. Là encore, les initiatives se multiplient, mais leur déploiement à grande échelle suppose des infrastructures lourdes et un soutien public massif.

Vers une économie circulaire

Au-delà des procédés de production, la décarbonation passe aussi par une meilleure gestion des ressources. Recyclage, réemploi, économie circulaire : limiter la fabrication de matières premières neuves permet d’éviter une partie des émissions. L’aluminium ou l’acier recyclés, par exemple, nécessitent beaucoup moins d’énergie que la production primaire.

Certaines entreprises développent des boucles fermées avec leurs clients, reprenant les matériaux usagés pour les réintroduire dans la production. Cette logique, en plus de réduire l’impact carbone, offre un avantage compétitif dans un contexte de raréfaction et de renchérissement des matières premières.

Le rôle central des pouvoirs publics

Aucun de ces leviers ne pourra se déployer sans un cadre politique clair et incitatif. Aides à l’investissement, crédits d’impôt, réglementation carbone, tarification du CO₂ : les pouvoirs publics détiennent une partie des clés pour accélérer la transition.

En France comme en Europe, plusieurs plans visent à soutenir cette mutation. Le Pacte vert européen et le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) cherchent à éviter les « fuites de carbone » en taxant les importations issues de pays moins exigeants. Mais leur efficacité dépendra de la coordination internationale et de la stabilité réglementaire, essentielle pour rassurer les investisseurs.

Une mutation lourde mais porteuse d’opportunités

Si la marche est haute, la décarbonation de l’industrie n’est pas seulement une contrainte. Elle ouvre aussi la voie à de nouvelles opportunités : innovations technologiques, création d’emplois qualifiés, renforcement de la souveraineté énergétique et industrielle.

Les acteurs qui sauront se positionner tôt sur ces solutions bas carbone pourraient tirer leur épingle du jeu dans une économie mondiale en pleine mutation. La décarbonation est donc moins une option qu’une condition de survie, autant pour la planète que pour la compétitivité des entreprises.

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