Déchets : Bruxelles prépare le terrain

Déchets : Bruxelles prépare le terrain
En amont de sa future loi sur l’économie circulaire prévue pour 2026, la Commission européenne a lancé une série de travaux axés sur les transferts de déchets au sein de l’Union et la gestion des déchets électroniques. Des chantiers stratégiques pour mieux encadrer ces flux et renforcer la durabilité du modèle européen.

Vers un encadrement renforcé des transferts de déchets

La Commission européenne a officiellement entamé un travail préparatoire pour améliorer la traçabilité, la régulation et la transparence des transferts de déchets entre pays membres. L’objectif est double : lutter contre les trafics illégaux tout en facilitant les flux nécessaires à l’économie circulaire, notamment pour les filières de recyclage qui manquent parfois de matière première dans certains États membres.

Aujourd’hui, près de 70 millions de tonnes de déchets sont transférées chaque année à l’échelle de l’Union, dont une partie vers des pays tiers. Bruxelles veut encadrer plus strictement ces mouvements, en particulier ceux qui concernent les déchets dangereux ou les matières qui pourraient être valorisées localement. L’idée n’est pas de freiner les transferts utiles, mais de privilégier une logique de circuit court, cohérente avec les objectifs environnementaux de l’UE.

Une consultation publique est prévue dès l’automne 2025 pour recueillir l’avis des parties prenantes, en particulier les collectivités, les industriels du recyclage et les ONG environnementales.

Le casse-tête des DEEE au cœur des priorités

Autre dossier majeur sur la table de la Commission : la gestion des Déchets d’Équipements Électriques et Électroniques (DEEE). Ce flux, en constante augmentation avec la croissance de la consommation de biens numériques, constitue aujourd’hui l’un des gisements de déchets les plus complexes à traiter. Il contient à la fois des matériaux rares, des substances toxiques et des éléments à fort potentiel de réutilisation.

Or, selon les chiffres de l’Agence européenne de l’environnement, plus de 50 % des DEEE produits en Europe ne sont pas collectés ou traités selon les normes. Certains disparaissent du radar ou sont envoyés illégalement dans des pays tiers. Pour y remédier, Bruxelles envisage de réviser la directive DEEE actuelle et d’introduire de nouvelles obligations de traçabilité et de traitement, assorties de sanctions renforcées en cas de manquement.

Parmi les pistes explorées : un passeport numérique pour les équipements électroniques, destiné à mieux identifier les composants, leur provenance, et leur traitement en fin de vie.

Une loi cadre prévue en 2026 pour la gestion des déchets

Ces deux volets – transferts de déchets et gestion des DEEE – s’inscrivent dans le cadre plus large d’un projet de loi sur l’économie circulaire, que la Commission prévoit de présenter en 2026. Ce texte devrait regrouper plusieurs éléments jusqu’ici dispersés entre différentes directives, et viser à renforcer la souveraineté matière de l’Europe.

L’ambition est claire : passer d’un modèle encore trop linéaire à une économie pleinement circulaire, où les déchets deviennent des ressources, les durées de vie sont allongées, et la dépendance aux matières premières critiques importées est réduite. Cela implique des adaptations profondes dans les secteurs industriels, notamment l’électronique, le textile, la construction et l’emballage.

Un enjeu stratégique pour l’industrie européenne

Ces mesures ne sont pas que techniques : elles participent d’un rééquilibrage économique dans un contexte de compétition mondiale. En sécurisant les matières premières secondaires (aluminium, cuivre, lithium, plastique recyclé…), l’Union européenne veut préserver sa compétitivité industrielle, en particulier dans les secteurs stratégiques comme les batteries, les énergies renouvelables ou les semi-conducteurs.

Les États membres, les régions et les entreprises sont donc appelés à anticiper ces mutations. Les investissements dans les centres de tri, les usines de recyclage ou les plateformes logistiques circulaires seront soutenus via les fonds européens, notamment Horizon Europe et le Fonds social pour le climat.

Un virage réglementaire décisif pour le traitement des déchets

Avec ces premiers travaux sur les flux de déchets et les DEEE, Bruxelles trace la voie d’un tournant réglementaire qui pourrait transformer en profondeur la manière dont l’Europe produit, consomme et valorise ses ressources. La loi à venir sur l’économie circulaire, en gestation pour 2026, s’annonce comme un texte fondateur dans la stratégie de neutralité carbone et de résilience industrielle du continent.

Reste à voir si les États membres suivront la cadence, et si les acteurs économiques saisiront pleinement l’opportunité d’intégrer les logiques circulaires dans leur modèle d’affaires. Une chose est sûre : le déchet ne sera bientôt plus vu comme un problème, mais comme une solution d’avenir.