Des convictions mises à l’épreuve de la réalité
En 2020, Vincent Vacherie, arboriculteur à Troche, convertit son verger de Golden AOP en bio, avec la conviction de s’engager dans une production durable. Mais cinq ans plus tard, le constat est amer : maladies, conditions climatiques imprévisibles et charges accrues mettent son exploitation en difficulté.
Il tente d’adapter son verger en greffant une nouvelle variété plus résistante, l’Inogo, capable de mieux lutter contre la tavelure, maladie redoutée du pommier. Malgré ces efforts, la balance économique penche du mauvais côté. « J’avais encore envie de croire au bio, mais à un moment, il faut regarder la réalité en face. La rentabilité économique est devenue prioritaire », explique l’arboriculteur, contraint de revenir au conventionnel.
Une chute de la demande qui plombe le secteur
La crise dépasse largement le cas individuel. Laurent Rougerie, président du syndicat de l’AOP Pomme du Limousin, confirme que l’ensemble de la filière bio est frappée. « La rémunération s’est effondrée, on a perdu 30 à 40 % de revenus », constate-t-il.
En cause : une consommation en berne depuis la pandémie. Si la demande avait bondi durant la crise sanitaire, elle s’est depuis effondrée. Résultat, une partie des 350 000 tonnes de pommes bio produites chaque année en France est écoulée… comme des pommes conventionnelles, sans label, sans valorisation et donc sans prime de prix.
Aujourd’hui, seuls 80 000 tonnes de fruits bio trouvent preneur sur le marché du frais. Le reste est vendu au même tarif que le conventionnel, alors même que les coûts de production en bio restent plus élevés.
Un avenir incertain pour l’AOP Pomme du Limousin
Dans l’appellation d’origine protégée (AOP) Pomme du Limousin, environ 13 % des vergers sont conduits en bio. Un chiffre qui risque de diminuer si la tendance se poursuit et si d’autres arboriculteurs, étranglés économiquement, optent pour la déconversion.
Certains misent encore sur l’innovation variétale, comme l’Inogo, qui permet de réduire l’usage de traitements phytosanitaires tout en offrant de bonnes qualités gustatives et de conservation. Mais l’enjeu immédiat reste celui des débouchés et d’un prix juste.
Le rêve du bio ne disparaît pas pour autant : il continue d’incarner un idéal agricole et environnemental. Mais pour de nombreux pomiculteurs, cet idéal se heurte désormais à une réalité brutale : sans consommateurs au rendez-vous, produire bio n’est tout simplement plus viable.