Alors que l’opposition à la loi Duplomb sur l’agriculture se durcit, plusieurs permanences parlementaires ont été visées par des actes de vandalisme en Gironde. Le préfet du département dénonce des “actions d’intimidation” et annonce l’ouverture d’une enquête judiciaire.
Des actes ciblés contre les opposants à la loi Duplomb
La tension monte autour de la loi Duplomb, adoptée par le Parlement le 8 juillet dernier, alors que les actes de vandalisme contre les parlementaires se multiplient. Dernier épisode en date : mercredi 23 juillet en début de soirée, les permanences de deux députés opposés au texte ont été dégradées en Gironde. Il s’agit de Nicolas Thierry, député écologiste à Bordeaux, et de Mathilde Feld, élue La France insoumise à Cadillac.
Selon un communiqué diffusé jeudi par la préfecture de Gironde, les deux locaux ont été visés par des tags et des jets d’œufs, dans ce qui s’apparente à des actes d’intimidation. Le préfet Étienne Guyot a vivement condamné ces dégradations, y voyant une atteinte symbolique au bon fonctionnement démocratique. Il a assuré les parlementaires de son soutien et annoncé l’ouverture d’une enquête judiciaire sous l’autorité du parquet.
Ces faits viennent s’ajouter à une série d’incidents similaires enregistrés ces dernières semaines dans plusieurs départements français, alors que la loi Duplomb continue de diviser profondément la société.
Un climat de tension politique de plus en plus marqué
Le texte, porté par le ministre de l’Agriculture Pierre Duplomb, est vivement critiqué par une partie des écologistes et des organisations citoyennes. Il est accusé de favoriser une agriculture productiviste au détriment des impératifs environnementaux. Une pétition lancée par des opposants à la loi a déjà recueilli plus de 1,8 million de signatures, témoignant d’un rejet large au sein de l’opinion publique.
Dans ce contexte électrique, les tensions se cristallisent sur les parlementaires, qu’ils soient favorables ou opposés à la réforme. Le ministère de l’Intérieur faisait état, dans un bilan intermédiaire publié lundi, de neuf atteintes recensées contre des députés. Ces agressions prennent des formes variées : dégradations de locaux, rassemblements non déclarés ou encore insultes sur les réseaux sociaux.
Parmi les élus ciblés, Delphine Batho, députée écologiste des Deux-Sèvres, a elle aussi dénoncé cette semaine la dégradation de sa permanence. Quelques jours plus tôt, Delphine Lingemann, députée MoDem du Puy-de-Dôme favorable à la loi, avait porté plainte après un acte de vandalisme visant son bureau parlementaire.
Une répétition d’incidents en Gironde
Les attaques contre Nicolas Thierry et Mathilde Feld ne sont pas les premières du genre. En décembre 2024, la permanence de Mathilde Feld avait déjà été taguée, une action revendiquée par les Jeunes Agriculteurs. Fin mai, des inscriptions à la bombe, notamment les initiales “CR33” (Coordination Rurale de Gironde), avaient également été retrouvées sur la façade du local de Nicolas Thierry.
Ces éléments montrent que certains groupes agricoles ou para-agricoles se radicalisent face à ce qu’ils perçoivent comme une menace à leur modèle d’exploitation. Si la Coordination Rurale n’a pas revendiqué les derniers incidents, elle avait déjà marqué son hostilité au projet de loi dès les premières discussions au Parlement, contestant notamment les dispositions sur la régulation de l’usage de l’eau et les nouvelles normes environnementales.
Le préfet appelle au respect du débat démocratique
Dans son communiqué, le préfet Étienne Guyot a rappelé que « le débat démocratique est un droit fondamental garanti à chaque citoyen, mais il doit se faire dans le respect des personnes et des biens ». Il a insisté sur la gravité de ces actions qui visent, selon lui, à faire pression sur des élus de la République.
Ce climat tendu inquiète jusqu’au plus haut sommet de l’État. Une source gouvernementale a fait savoir que le ministère de l’Intérieur suit de près la situation, en lien avec les préfets de plusieurs départements ruraux. La sécurité autour des parlementaires, en particulier ceux exposés médiatiquement dans le débat sur la loi Duplomb, a été renforcée dans certaines circonscriptions.
Vers une radicalisation du débat agricole ?
Le débat autour de la loi Duplomb ne cesse de raviver les fractures entre les agricultures traditionnelles et les modèles agro-industriels. Les oppositions ne sont pas seulement idéologiques : elles s’ancrent dans des enjeux concrets, liés à l’eau, aux pesticides, au foncier et aux aides européennes.
Dans ce contexte de crispation, les actes de vandalisme ne sont que les symptômes visibles d’un mal-être plus profond du monde agricole, divisé entre des injonctions écologiques croissantes et une réalité économique souvent fragile.