Biodiversité : l’urgence à remettre au cœur du débat

Biodiversité : l’urgence à remettre au cœur du débat
Alors que le sommet de l’ONU sur les océans se tient à Nice et que la COP30 approche au Brésil, des voix associatives s’élèvent pour alerter sur un oubli fondamental : la biodiversité. Trop souvent reléguée derrière l’enjeu climatique, sa dégradation constitue pourtant une menace directe pour la santé humaine, la sécurité alimentaire, la stabilité économique et la justice sociale. Dans un contexte de crises écologiques multiples, il devient urgent de repenser les priorités politiques pour intégrer pleinement la protection du vivant dans les stratégies environnementales.

Climat et biodiversité : deux combats indissociables

Le débat environnemental public, à la fois institutionnel et médiatique, reste largement dominé par la question climatique. Si la lutte contre le réchauffement est cruciale, elle ne peut plus être menée indépendamment de celle contre l’effondrement du vivant. Or, c’est ce cloisonnement qui empêche aujourd’hui une véritable transition écologique globale.

Les associations signataires du récent appel à mobilisation rappellent que la biodiversité n’est pas une thématique “annexe”. Elle constitue un pilier fondamental de la stabilité des écosystèmes, de la régulation du climat, mais aussi de la santé humaine et de l’économie. Sa destruction accélérée aggrave la vulnérabilité des sociétés face aux pandémies, aux événements climatiques extrêmes, aux pertes agricoles ou encore aux déplacements de populations.

Des écosystèmes essentiels et pourtant sacrifiés

Partout dans le monde, des écosystèmes vitaux sont en train de disparaître, fragilisant l’équilibre écologique global. Les mangroves, capables de séquestrer jusqu’à quatre fois plus de carbone que les forêts tropicales, disparaissent sous l’effet de l’urbanisation. Les herbiers marins et les prés salés, qui protègent nos côtes de la submersion, sont menacés par les aménagements côtiers. Les zones humides, essentielles pour réguler les crues, ont été détruites à hauteur de deux tiers en France. Et à La Réunion, l’érosion des récifs coralliens fragilise des milliers d’habitants.

Les forêts, elles aussi en première ligne, jouent un rôle clé dans la résilience des territoires face aux aléas climatiques. Pourtant, la déforestation se poursuit, y compris en Guyane française, où l’orpaillage détruit chaque année des centaines d’hectares de forêt amazonienne. Ces atteintes aux milieux naturels, souvent autorisées voire encouragées par des politiques publiques, affaiblissent notre capacité à faire face aux crises du XXIe siècle.

Des menaces bien connues pour la biodiversité

Les chiffres sont sans appel. La plateforme IPBES (équivalent du GIEC pour la biodiversité) alertait dès 2019 sur un déclin “sans précédent dans l’histoire humaine”. Aujourd’hui, le taux d’extinction des espèces est 100 à 1 000 fois supérieur à la normale. En France, la perte d’intégrité de la biodiversité est estimée à 61 % pour les vertébrés et 70 % pour les plantes.

Les zoonoses, à l’origine des pandémies récentes, sont directement liées à la destruction des habitats naturels. Urbanisation, agriculture intensive, élevage industriel : les activités humaines qui déstabilisent les écosystèmes sont aussi celles qui menacent la santé publique.

Malgré ce consensus scientifique, les politiques publiques n’intègrent pas encore l’ampleur du problème. Les initiatives restent ponctuelles, fragmentées, et largement insuffisantes au regard de l’urgence.

Des solutions claires pour la biodiversité volontairement écartées

Pourtant, les solutions existent. Il est possible de protéger la biodiversité tout en renforçant la justice sociale et l’économie. Cela passe par des choix politiques forts :

  • Mettre fin à la surexploitation des océans, des forêts, et des terres agricoles,

  • Stopper le bétonnage des zones humides,

  • Soutenir la transition vers une agriculture agroécologique,

  • Favoriser une alimentation plus végétale,

  • Reconnaître les droits des peuples autochtones et ratifier la Convention 169 de l’OIT,

  • Accorder une personnalité juridique aux écosystèmes pour mieux les défendre juridiquement,

  • Créer de vraies aires marines protégées, avec des interdictions claires d’activités extractives ou industrielles,

  • Supprimer les subventions néfastes à la nature et réorienter les aides publiques vers la restauration des milieux naturels.

L’eau, ressource vitale en tension, doit aussi faire l’objet d’une gestion plus démocratique, sobre, et respectueuse des écosystèmes. Enfin, il faut sortir des énergies fossiles, dont l’exploitation est l’un des principaux moteurs de destruction de la biodiversité mondiale.

Une ambition française attendue sur la scène internationale

À l’approche de la COP30 au Brésil, la France a un rôle crucial à jouer. Elle doit redevenir un moteur de l’ambition écologique à l’échelle mondiale, en particulier sur la question du vivant. Cela suppose de faire de la protection des écosystèmes un pilier de sa diplomatie environnementale, en partenariat avec les pays hôtes et les peuples autochtones.

Ce changement de cap nécessite aussi un engagement sur le territoire national et dans les Outre-mer. En protégeant ses récifs, ses forêts, ses zones humides et sa biodiversité marine, la France enverra un message clair : celui d’une écologie cohérente, juste et à la hauteur des enjeux.