Stratégie européenne de résilience de l’eau

Stratégie européenne de résilience de l’eau
La Commission européenne a dévoilé sa stratégie de résilience de l’eau, une feuille de route destinée à renforcer la gestion de cette ressource vitale dans un contexte de changement climatique et de pressions croissantes. Si certaines mesures sont saluées, les associations environnementales pointent une ambition en demi-teinte, estimant que les moyens ne sont pas à la hauteur de l’urgence.

L’eau, une stratégie pour l’Europe

Avec des sécheresses plus fréquentes, des conflits d’usage qui se multiplient et une qualité de l’eau souvent dégradée, l’eau s’impose comme un enjeu stratégique majeur pour l’Union européenne. Dans ce contexte, la Commission a présenté au printemps 2025 sa stratégie de résilience de l’eau, visant à orienter les politiques communautaires pour les années à venir.

L’objectif affiché est clair : renforcer la sécurité hydrique de l’Europe, en garantissant une disponibilité suffisante et durable de l’eau pour l’environnement, les citoyens et les secteurs économiques. Une ambition qui s’inscrit dans le cadre du Pacte vert européen et de l’adaptation au changement climatique.

Un diagnostic partagé, des mesures attendues

Le constat dressé par Bruxelles est sans ambiguïté : les ressources en eau subissent une pression sans précédent. 80 % des bassins hydrographiques européens seraient déjà confrontés à des risques de stress hydrique, selon les données de l’Agence européenne pour l’environnement. La Commission alerte également sur la pollution persistante de certaines nappes phréatiques et sur les effets du dérèglement climatique sur le cycle de l’eau.

Face à ce constat, la stratégie propose plusieurs axes d’action :

  • améliorer l’efficacité de l’usage de l’eau, notamment dans l’agriculture,

  • favoriser le réemploi des eaux usées traitées,

  • restaurer les milieux aquatiques dégradés,

  • renforcer la planification hydrologique à long terme.

Elle annonce aussi des financements dédiés dans le cadre des politiques de cohésion et des aides à l’innovation pour le développement de technologies sobres en eau.

Des avancées saluées par les ONG… en partie

Certaines organisations de défense de l’environnement ont salué des signaux positifs, en particulier la volonté affichée de rompre avec une approche purement sectorielle et de renforcer la cohérence des politiques publiques liées à l’eau. L’engagement de soutenir la nature comme solution à la crise hydrique (zones humides, haies, restauration des cours d’eau) est également vu comme un pas en avant.

Mais ces encouragements s’accompagnent de critiques. Plusieurs ONG, dont le Bureau européen de l’environnement (BEE) et WWF Europe, jugent que la stratégie reste largement insuffisante face à l’ampleur des enjeux. « Il manque une obligation claire de réduction des prélèvements », déplore un représentant du BEE, qui regrette l’absence d’objectifs contraignants, notamment pour les secteurs les plus consommateurs comme l’agriculture intensive.

Un manque de cadre réglementaire contraignant

L’un des reproches majeurs formulés par les associations concerne le manque de force normative du texte. Contrairement à des directives européennes contraignantes comme la directive-cadre sur l’eau de 2000, cette stratégie prend davantage la forme d’un document d’orientation. Elle ne crée ni nouvelles obligations légales ni nouveaux mécanismes de sanctions.

Cela laisse planer une incertitude sur sa mise en œuvre réelle. Certains États membres pourraient se contenter de mesures symboliques, sans revoir en profondeur leur modèle de gestion de l’eau. Les ONG appellent donc à un renforcement de la législation, notamment pour imposer des limites aux prélèvements dans les zones en tension, interdire les rejets polluants non traités et protéger davantage les zones humides.

L’agriculture, point de crispation

Le secteur agricole, premier consommateur d’eau en Europe, reste au cœur des débats. Si la stratégie évoque des leviers d’optimisation (irrigation de précision, choix de cultures plus sobres), elle n’impose aucune transformation structurelle. Une timidité que dénoncent les associations écologistes, qui estiment que le modèle agricole dominant n’est ni soutenable ni compatible avec une gestion durable de l’eau.

Pour elles, la stratégie ne remet pas en cause les logiques d’intensification productiviste, et échoue à intégrer pleinement les enjeux de transition agroécologique. L’eau reste pensée comme une ressource à adapter, plutôt qu’un bien commun à préserver collectivement.

Vers une gouvernance plus intégrée de l’eau ?

La stratégie entend toutefois amorcer une réflexion sur la gouvernance. Elle encourage les États membres à renforcer la planification à l’échelle des bassins versants, à associer davantage les parties prenantes locales, et à développer des outils de suivi plus précis. Elle insiste aussi sur la nécessité d’intégrer les politiques de l’eau dans les autres volets de l’action publique : énergie, urbanisme, industrie.

Ces orientations sont jugées pertinentes mais tardives par les spécialistes. « On attendait une véritable refonte du pilotage européen de l’eau, pas simplement une coordination accrue », estime une chercheuse du CNRS, pointant le manque de leviers concrets pour passer de la parole aux actes.

Un premier pas en vue d’une stratégie commune

En définitive, la stratégie européenne de résilience de l’eau marque une prise de conscience bienvenue, mais reste perçue par beaucoup comme un compromis technocratique plus que comme un véritable tournant. Alors que les sécheresses s’intensifient et que les conflits d’usage se multiplient, l’Europe semble avancer à petits pas dans une course contre la montre.

Pour les ONG et une partie des experts, seule une réponse plus contraignante, intégrée et ambitieuse permettra de garantir à long terme la sécurité hydrique du continent. Reste à savoir si les prochaines étapes législatives viendront combler les lacunes de cette première stratégie.