Polluants éternels : l’Europe s’attaque à la contamination des eaux

Polluants éternels : l’Europe s’attaque à la contamination des eaux
Face à la menace persistante des substances per- et polyfluoroalkyles (PFAS), comptant parmi les plus dangereux polluants éternels, la Commission européenne prépare un vaste plan d’assainissement des ressources en eau. Une opération inédite, aussi coûteuse que cruciale pour la santé publique et l’environnement.

Une stratégie ambitieuse face aux polluants éternels

La Commission européenne s’apprête à franchir une étape majeure dans la lutte contre les « polluants éternels ». Ces substances chimiques, regroupées sous le nom de PFAS, sont omniprésentes dans de nombreux produits du quotidien – textiles imperméables, emballages alimentaires, cosmétiques ou encore mousses anti-incendie. Leur particularité : elles ne se dégradent pas naturellement, s’accumulent dans les écosystèmes et le corps humain, et sont associées à des risques sanitaires graves (cancers, perturbations hormonales, troubles immunitaires).

Selon un document de travail interne consulté par plusieurs médias européens, la Commission prévoit de lancer en 2026 un programme de nettoyage massif, au cœur de sa nouvelle stratégie de résilience de l’eau. Cette dernière vise à renforcer la capacité des États membres à faire face aux crises liées à l’eau, qu’il s’agisse de sécheresses, d’inondations ou de pollutions diffuses.

Un fardeau sanitaire et économique considérable

La pollution par les polluants éternels coûte déjà cher à l’Europe. Les estimations avancées par la Commission font état de dépenses sanitaires comprises entre 52 et 84 milliards d’euros par an, liées aux effets sur la santé humaine. Du côté des infrastructures, la facture est tout aussi salée : le traitement de l’eau potable à lui seul pourrait entraîner 18 milliards d’euros de surcoûts annuels pour les services publics. La gestion des eaux usées, elle, pourrait exiger des investissements encore plus lourds.

Le nettoyage des sites contaminés ne sera pas simple. Le texte prévoit d’appliquer le principe du « pollueur-payeur », en engageant la responsabilité des industriels lorsque cela est possible. En l’absence de responsable clairement identifié, les fonds publics prendront le relais, avec une priorité donnée aux zones sensibles et aux sources d’eau potable.

Partenariat public-privé et innovations attendues

Pour mener à bien cette opération, Bruxelles entend mobiliser la recherche et l’innovation. Un partenariat public-privé sera mis en place dès 2026 afin de développer des technologies capables de détecter, isoler et traiter efficacement les PFAS. Ce projet s’inscrira dans le cadre réglementaire récemment renforcé par les révisions des directives européennes sur l’eau potable, les eaux usées et les émissions industrielles.

La Commission insiste sur le rôle de la numérisation et de l’innovation dans la réussite de cette transition. Objectif : mieux identifier les sources de pollution, automatiser les procédés de traitement et améliorer la surveillance en temps réel de la qualité de l’eau.

Vers une interdiction des polluants éternels dans les mousses anti-incendie

Si le nettoyage est crucial, l’UE souhaite aussi s’attaquer à la source du problème. Dans le prolongement de la réforme du règlement REACH sur les substances chimiques, une interdiction totale des PFAS dans les mousses anti-incendie est prévue d’ici fin 2025. Ces produits sont l’une des principales causes de contamination des sols et des nappes phréatiques, notamment autour des sites industriels et des aéroports.

La Commission envisage également un système de suivi européen pour détecter la présence de PFAS dans les eaux de surface et souterraines, ainsi que dans le milieu marin, dans le cadre du plan d’action « Zéro pollution ».

Une prise de conscience tardive, mais décisive

La bataille contre les PFAS s’annonce longue, coûteuse et techniquement complexe. Mais pour les experts de l’environnement, cette initiative marque un tournant. « Les PFAS symbolisent l’héritage toxique de décennies d’inaction réglementaire. L’Europe ne peut plus se permettre de retarder leur élimination », affirme Élise Martin, chimiste spécialisée dans les pollutions industrielles.

Avec ce plan de résilience, l’Union européenne entend prendre les devants et montrer l’exemple à l’échelle mondiale. Reste à voir si les États membres suivront, et si les moyens seront à la hauteur de l’ambition affichée.