L’écoanxiété est un phénomène en augmentation chez les jeunes. Trois d’entre eux témoignent sur leur rapport à l’environnement et comment ils gèrent leur rapport à leurs contradictions. Des récits marquants livrés par Libération.
Première stratégie : le dénis
Une jeune femme de 25 ans, Sofia, habitant le Val-de-Marne se confie à des journalistes de Libération. Lorsqu’elle navigue sur les réseaux sociaux, en particulier TikTok, elle s’étonne toujours de ne jamais voir de contenu illustrant la disparition des espèces. Rien de ce qu’elle voit ne la ramène à l’écoanxiété ambiante dans laquelle elle a l’impression de baigner. D’une certaine manière, ça la rassure. “Je n’ai pas envie de savoir. Je vis ma vie tranquille”. Elle suit de gros comptes américains, de jeunes femmes comme elle qui racontent leur vie.
Elle prend note des astuces make-up, des recettes de cuisine, des bons plans pour de futurs voyages. En bref, elle ne voit pas ce qu’elle n’aimerait pas qu’on lui montre. C’est d’ailleurs tout le jeu des algorithmes qui savent cibler exactement ce que chaque personne veut consommer.
“Je sais que des animaux vont disparaître ou ont déjà disparu”, avoue-t-elle. “Les histoires vraies sur le climat ça fait tellement peur…” ajoute-t-elle. Sofia le sait, le monde va subir de grands bouleversements. Pourtant, elle ne veut pas “vivre dans le stress pour la planète”. Elle préfère regarder des films d’horreur pour gérer son écoanxiété. Ça fait peur mais tout est factice.
Les rituels familiaux pour sauver la planète
Pour Sarah, la réutilisation des vêtements est un sport familial. Elle affirme qu’un maillot tunisien est passé entre au moins cinq paires de mains avant que son cousin n’en hérite à son tour. Tous les vêtements unisexes se transmettent de génération en génération dans sa fratrie. Quand les vêtements ne sont plus portés par personne, elle les donne à ses cousins. C’est sa manière à elle de gérer son écoanxiété par un rituel amusant et familial.
Une de ses cousines porte aujourd’hui une robe qu’elle-même avait déjà offert à sa petite sœur. Sarah porte souvent des vêtements ayant appartenu à sa mère. Dès qu’ils ne sont plus en bon état, elle les jette. “Mon père ne participe pas à cette circulation car le peu qu’il a lui suffit” explique-t-elle. Cette configuration convient bien à son frère qui préfère le style de son oncle à celui de son paternel. Dans sa famille, on ne ressent pas à proprement parler l’écoanxiété, mais toutes les économies réalisées ont un impact positif sur l’environnement. Pour Sarah, le premier intérêt de ce système est d’économiser, mais elle n’exclut pas non plus l’intérêt écologique.
De l’écoanxiété à la résignation
Étudiante à Angers, Nina a participé à la manifestation pour le climat en 2019. L’écoanxiété rythme son quotidien. Depuis ses engagements, elle a l’impression que rien n’a changé et se sent très impuissante. Les slogans résonnent encore dans sa tête comme si elle manifestait encore. Elle a été sensibilisée très tôt à l’enjeu climatique. Comme nombre de ses contemporains, elle a perdu espoir. L’absence de solutions concrètes a eu pour conséquence de la résigner.
“Au fil du temps, j’ai réduit mon engagement” dit-elle. Elle se résigne parce qu’elle pense que ces efforts n’ont servi à rien et que la crise est inarrêtable. Cependant, elle continue de trier ses déchets, de faire attention à sa consommation en eau et électricité. Elle ne prend jamais l’avion sans avoir peser le pour et le contre. Elle n’hésite pas à prendre d’interminables correspondances même si c’est long. Même si elle culpabilise quand elle réalise des achats compulsifs de vêtements, elle se dit que sa sœur pourra toujours les porter. Comme pour Sarah, la famille est pour elle un des seuls moyens d’apaiser son écoanxiété.