« Construire en bois ou installer du parquet dans son intérieur, c’est contribuer à alimenter la production de bois énergie », Eric Vial (Proprellet)

« Construire en bois ou installer du parquet dans son intérieur, c’est contribuer à alimenter la production de bois énergie », Eric Vial (Proprellet)
Transition énergétique, préservation de la ressource et coupes de bois, pollution… Le bois énergie est au cœur de nombreux débats. Eric Vial, délégué général de Proprellet, l'association nationale des professionnels du chauffage au granulé de bois, fait le bilan.

1- Au-delà des particuliers qui plébiscitent de plus en plus le bois énergie, le gouvernement lui reconnaît aussi de nombreuses qualités, notamment dans le cadre de la transition énergétique. A-t-il toujours été ainsi ?

Pendant plus de 10 ans, l’État a soutenu le bois énergie domestique et collectif via des aides financières. La dernière en date est MaPrimeRénov’ qui permet de donner accès au bois énergie à des ménages peu fortunés.

Donc oui, nous bénéficions depuis un certain temps du soutien et de la reconnaissance du gouvernement. Malheureusement, cela commence à changer. L’État semble relâcher son soutien au bois énergie et en particulier aux granulés. Le granulé est pourtant l’un des bois énergies le plus vertueux, mais nous sommes pénalisés par un changement de cap de l’État. Ce changement de cap est incohérent pour nous. L’État est schizophrène. Le bois énergie est la première énergie renouvelable en France, et en cela, il contribue largement aux objectifs en matière de lutte contre le dérèglement climatique. Malgré ça le soutien baisse.  Ce relâchement s’explique par la volonté d’électrifier le chauffage domestique via la pompe à chaleur, et cela se fait au détriment du bois énergie, surtout domestique, que l’on accuse de tous les maux : comme la pollution, la coupe de bois et la non-préservation de la ressource.

2- Le bois énergie impacte-t-il la ressource forestière ?

Non. Parce que lorsqu’on coupe un arbre, ce n’est jamais pour faire que du bois énergie. On coupe un arbre pour faire du bois d’œuvre, du bois d’industrie. Les résidus de ces bois sont ensuite utilisés pour faire du bois énergie. On peut aussi couper un arbre pour en laisser pousser d’autres, de meilleure qualité, qui seront utilisés après pour faire du bois d’œuvre. Dans ce cas, les arbres coupés peuvent servir au bois énergie. Nos actions sont guidées par la logique et le pragmatisme. On ne sur-récolte pas pour s’approvisionner en bois énergie, c’est une erreur de penser cela.

Par contre, il y a une demande plus importante en matière de matériaux biosourcés, notamment dans la construction. Et le bois est le numéro 1 des matériaux biosourcés. Donc plus on fera du bois d’œuvre pour répondre à ces besoins, plus nous serons approvisionnés en bois énergie, en particulier pour le granulé.

3- Le changement climatique impacte fortement les forêts, comment s’approvisionner dans un tel contexte ? Cela a-t-il changé vos pratiques ?

En partie. Notre approvisionnement dépend en grande partie des scieurs et des acteurs impliqués dans la transformation du bois. Toutefois, le changement climatique nous affectera d’une façon ou d’une autre, car dans les années à venir, il faudra malheureusement sortir de plus en plus de bois morts ou malades des forêts et il faudra alors les valoriser. Et cela passera principalement par le bois énergie parce que, souvent, les bois malades ou morts ne peuvent pas être utilisés en bois d’œuvre.

4- Selon une récente étude américaine, le bois énergie polluerait plus que le fioul. Est-ce qu’une énergie renouvelable peut plus polluer qu’une énergie fossile ?

Ces études sont à prendre avec des pincettes. Elles sont financées par des organismes partisans, des lobbys de groupes pétroliers notamment, qui attaquent le bois énergie sur tous les fronts. Nous l’avons identifié au niveau européen, donc nous savons que toutes les études ne se valent pas.

Sur la neutralité carbone du bois, qui est remise en cause, j’ai un argument assez simple. C’est pour moi du bon sens paysan. Aujourd’hui, si vous coupez du bois et que vous le brûlez pour vous chauffer, il va dégager du carbone. Mais tout cela fait partie du cycle du carbone à la surface de la Terre. Les émissions issues de la combustion du bois sont absorbées par les nouveaux arbres en croissance. En opposition, nous allons sortir de terre des fossiles qui sont là depuis des millions d’années. Cela n’a aucun sens. Ce procédé ne s’inscrit pas dans le cycle carbone de la surface de la Terre. C’est un apport net de carbone dans l’atmosphère.

Concernant les particules fines, tout est théorique. Ce qui est reproché au bois énergie, c’est d’en émettre. C’est le cas surtout pour les vieux parcs d’appareils non entretenus. Ces parcs doivent disparaître et être remplacés par des appareils neufs, modernes et performants qui ont des niveaux d’émission de particules fines excellents. Car ces émissions sont intrinsèquement liées à la mauvaise combustion du bois. De plus, les données d’émissions de particules fines sont trompeuses. Les études présentent des facteurs d’émissions qui sont calculés selon des modèles théoriques. Sauf que ce que vous respirez in fine, ce ne sont pas des facteurs d’émissions, mais des particules réelles ; c’est-à-dire que ce qui compte est le niveau de concentration en particules fines. Autrement dit, une fois émises réellement par l’appareil de chauffage, les particules fines relâchées dans l’air sont modifiées, reconfigurées par plusieurs facteurs (l’oxygène par exemple) et déplacées par les vents. En faisant l’analyse de la concentration des particules, comme l’a récemment fait le laboratoire Ceric en concaténant les données des stations de mesures de la qualité de l’air, on s’aperçoit qu’on est très loin des chiffres prêtés au bois énergie en matière de qualité de l’air. En l’occurrence : « les concentrations de particules [fines] PM2,5 issues des activités hivernales, dont une part significative concerne le chauffage au bois domestique, sont proportionnellement 3 fois moins importantes que les estimations d’émissions qui sont communiquées au grand public ».

5 – Quel regard portez-vous sur la récente émission Sur Le Front intitulée “La face cachée des forêts” qui a, entre autres, pointé du doigt le bois énergie ?

Ces émissions font du mal à notre profession et à notre filière. Mais ce n’est pas la première fois. Il y a déjà eu une émission sur le sujet il y a deux ans. Le narratif est faussé et idéologique, car ces émissions ont le scandale et l’indignation pour fonds de commerce. Et plus ça paraît scandaleux, plus ça rapporte de l’audimat. Il n’y a que de l’attaque, pas d’objectivité. Ce n’est pas vraiment du journalisme. Les spectateurs avec un peu de bon sens commencent aussi à avoir marre de ces programmes anxiogènes.

Les gens qui font ces émissions dénoncent par exemple les coupes rases, mais c’est un prétexte pour attaquer le bois énergie. En effet, les coupes rases sont un acte de gestion forestière et surtout sont une pratique très minoritaire de la sylviculture. Pour autant, ce sont ces mêmes personnes qui utilisent du bois dans leur quotidien, notamment dans leur mobilier. Sauf que construire en bois ou installer du parquet dans son intérieur, c’est contribuer à alimenter la production de bois énergie. Rappelons-le, le granulé est fait à partir de sous-produits des industries du bois d’œuvre.

6- Quel avenir voyez-vous pour le bois énergie ?

Je suis un fervent convaincu du bois énergie, donc je ne suis pas très objectif. Je pense que la crise que l’on traverse est provisoire. On se rendra vite compte que le bois énergie est la source la plus économique et une des plus vertueuses, pour ne pas dire la plus vertueuse. Elle doit prendre sa part légitime dans la transition énergétique aux côtés de la pompe à chaleur. Je pense qu’il y aura un retour de bâton et qu’on arrêtera de dénigrer le bois énergie. C’est tout de même la première énergie renouvelable de France.