Incendies de forêts : « Notre région des Bouches-du-Rhône était un peu un laboratoire »

Incendies de forêts : « Notre région des Bouches-du-Rhône était un peu un laboratoire »
Marqué par de nombreux incendies, l’été 2022 a rappelé l’ampleur du réchauffement climatique et ses conséquences parfois dramatiques. Avec plus de 50 000 hectares décimés, les forêts en ont été les premières victimes. Anticipation du risque, prévention auprès du grand public, préparation des espaces forestiers… Entretien avec Gérard Gautier, propriétaire forestier dans les Bouches-du-Rhône.

Quel regard portez-vous sur les récents incendies de Gironde et de Bretagne ?

En tant que forestiers de Provence Alpes Côte d’Azur, nous sommes depuis plus de trente ans confrontés aux feux de forêts. Nous avons d’année en année constaté leur évolution, nous avons aussi constaté les progrès réalisés dans la lutte par l’ensemble des pompiers et de la protection civile…. En parallèle, notre approche nous a permis de mettre en évidence que la lutte devenait un second point et qu’il fallait renforcer la prévention et au-delà de la prévention : la prévention de la prévention.

Les feux dans des départements plus au nord de la Provence sont annoncés depuis de longues années, nous avions l’habitude de dire à nos amis forestiers des régions au nord de la Méditerranée que notre région était un peu un laboratoire. Ce qui est arrivé cette année n’est donc pas une surprise. Par contre nous ne l’attendions pas si tôt.

La Bretagne, la Sologne ou la Sarthe ont depuis quelques années connu des départs de feu vite maîtrisés. Les feux de Gironde nous ont surpris (à l’exception du  cas particulier de la Teste de Buch dont la forêt a le statut particulier de « Forêt usagère » qui prône une  « libre évolution” qui ne favorise pas la gestion et l’entretien….). En effet, suite à l’incendie de 1949 qui a fait plus de 80 victimes et brûlé près de 50000 ha de forêt entretenue, les forestiers de la Gironde ont été les premiers à avoir inventé la DFCI (création du corps des sapeurs-pompiers forestiers sur trois départements – Gironde, Landes, Lot-et-Garonne, ndlr). Il est étonnant de constater que malgré leurs 40000 km de piste, l’adduction d’eau dans les massifs, la surveillance et surtout l’entretien de cette forêt, un tel incendie ait pu avoir lieu.

Ce sont, je pense, toutes les interrogations que se posent nos collègues de Gironde et auxquelles il va falloir trouver réponse.

Avez-vous été mobilisé dans la lutte contre les derniers incendies ?

Comme chaque année les forestiers provençaux sont dans une angoisse totale et nous sommes quotidiennement sur le qui-vive prêts à défendre nos bois.

Selon vous, la menace a-t-elle suffisamment été anticipée ?

Nous tirons la sonnette d’alarme en Provence depuis de longues années, nous demandons depuis bientôt vingt ans que soit un jour calculé le coût global d’un incendie, car nous estimons que la menace n’est pas suffisamment anticipée et qu’aujourd’hui il est démagogique de faire du surarmement des pompiers la seule réponse au problème.

Mais il faut savoir que toute politique efficace de prévention va, tout comme pour la prévention routière, avoir des impacts coercitifs sur la société en général. L’exemple des Obligation Légale de Débroussaillement (OLD) est significatif.

Existe-t-il des forêts plus vulnérables que d’autres aux incendies ?

Bien sûr. Une forêt mieux gérée avec des éclaircis dans la végétation, ou la biomasse est réduite est bien mieux défendable. Mais faudrait-il encore que notre système économique assure une sortie des bois avec une rentabilité minimum permettant cette gestion et surtout dans les forêts méditerranéennes qui sont par définition peu productives.