COP15 d’Abidjan : la grand-messe de la flore s’est tenue là où elle progresse

COP15 d’Abidjan : la grand-messe de la flore s’est tenue là où elle progresse
Le lieu de tenue d’une COP n’est jamais choisi de façon anodine. La capitale ivoirienne, qui a accueilli la 15ème édition de la conférence onusienne sur la lutte contre la désertification, est un symbole de volontarisme en matière de régénération d’écosystèmes.

196 États et l’Union européenne se sont réunis à Abidjan, du 9 au 20 mai, pour la 15ème édition de la Conférence des parties (COP15) à la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (CNULCD). Leur objectif : parvenir à un nouvel accord global à propos de solutions contre les problèmes de sécheresse et de vents de sable, de dégradation des sols, de déforestation, mais également de droits fonciers, d’autonomisation des jeunes et d’égalité des sexes.

En amont de l’événement, l’adoption de « l’Appel d’Abidjan », par les chefs d’État et de gouvernement parties à la CNULCD, a posé les bases de mesures ambitieuses. Le communiqué final de l’Appel exige que les questions de protection des terres et de sécheresse soient considérées comme hautement prioritaires. Selon les signataires, une absence de changement de la situation d’ici à 2050 engendrerait la dégradation des terres sur une surface équivalant à celle de l’Amérique du Sud. Résolument optimiste, le Secrétaire exécutif de la Convention, l’ivoirien Ibrahim Thiaw, a insisté sur les richesses que pourraient même générer les actions en faveur de la régénération des sols, évoquant une hausse potentielle de 50 points de PIB au niveau mondial, d’ici à 2050.

De toute évidence, il y a urgence à prendre « le virage maintenant, et de manière décisive », comme le souhaite Ibrahim Thiaw. Car, « même si les pluies restent constantes dans la décennie à venir, l’eau au sol sera malgré tout moins abondante en raison de l’augmentation des températures. On aura plus de sécheresses car l’eau s’évaporera plus facilement », confiait un spécialiste de l’Organisation mondiale de la météorologie, à nos confrères de RFI, le 19 mai.

Les objectifs ambitieux d’Abidjan

Si la Côte d’Ivoire désirait tant être l’hôte de la COP15, c’est parce que le pays est impacté au premier chef par les phénomènes qui y ont été discutés. Les terres productives de la première puissance agricole d’Afrique de l’Ouest – 25 % de son PIB – sont dégradées aux deux tiers. Son massif forestier s’est réduit de 80 % depuis le milieu du siècle dernier. En cause : essentiellement le cacao, dont la culture est la quatrième cause de déforestation à l’échelle planétaire, et dont la Côte d’Ivoire est le premier producteur au monde. En outre, l’activité minière, la collecte de bois-énergie et l’exploitation exagérée des essences forestières, aggravent l’état du couvert végétal ivoirien. Citons enfin l’impact négatif des feux de végétation qui sont généralement réalisés en amont de l’installation des cultures.

Les autorités ivoiriennes ont décidé d’engager le combat pour la revivification de leur environnement au cours de la dernière décennie. Au plan multilatéral, la Côte d’Ivoire participe à la quasi-totalité des actions engagées. Le pays a notamment adhéré au processus de neutralité en matière de dégradation des terres initié par la CNULCD. Il s’est, dans ce cadre, doté d’un plan national de lutte contre la dégradation des terres.

Abidjan a sérieusement accéléré la cadence depuis le début la décennie en cours. Le gouvernement d’Alassane Ouattara affiche l’ambition de recouvrir un cinquième de son territoire en forêt d’ici 2030 – soit 5 millions d’hectares supplémentaires – et de restaurer 100 % des terres dégradées.

Pour ce faire, les pouvoirs publics ivoiriens impulsent et encouragent de nombreuses initiatives servant des objectifs de reboisement et de régénération des sols à relativement court terme. C’est ainsi que, depuis 2020, le ministère des Eaux et des Forêts supervise quelque 650 « soldats verts », chargés de la répression des activités clandestines attentant aux couverts végétaux. En parallèle, le gouvernement ivoirien promeut la « cacaoculture durable » par l’agroforesterie, une pratique consistant à planter ou laisser pousser naturellement des arbres sur une parcelle agricole. Dans ce cadre, le Conseil Café-Cacao – organe chargé par les autorités centrales ivoiriennes du développement, de la stabilisation et de la régulation de ces deux cultures – vise l’implantation en milieu rural, d’ici à 2024, de soixante millions de plans forestiers.

Étonnants résultats

En matière de reboisement, la politique volontariste d’Abidjan porte clairement ses fruits. En février dernier, le journal Le Monde évoquait une « forêt en pleine renaissance » dans la région de Téné, prenant l’exemple parmi d’autres d’une « parcelle de 2.000 mètres carrés détruite par la culture du café dans les années 1990 », dont l’écosystème a été régénéré dans sa quasi-totalité. Sur son site internet, le gouvernement ivoirien affirme que son opération « 1 jour 50 millions d’arbres » lancée en 2021 – la troisième du genre – a permis de replanter « plus de 28,5 millions d’arbres entre juin et octobre 2021 ».

S’agissant spécifiquement de la lutte contre la désertification, thème majeur de la COP15, la Côte d’Ivoire s’engage surtout dans le cadre régional. Celui de l’Union africaine notamment, d’où est impulsé le projet pharaonique de « Grande Muraille verte », sorte de barrière végétale de 100 millions d’hectares s’étalant de Djibouti au Sénégal. La France, qui soutient l’initiative à travers l’Agence française de développement (AFD) estimait en fin d’année dernière que cette dernière avait permis de restaurer 20 millions d’hectares. Des résultats encore loin d’être suffisants pour stopper la progression du désert sahélien, mais non moins encourageants.