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« L’utilisation du bois français n’est pas synonyme de déforestation »

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Disposer de bois pour construire des maisons ou encore pour se chauffer. Derrière ces usages courants se cachent des professionnels passionnés par leur métier, qu’ils pratiquent au contact de la nature. Comme Nathalie Valade-Moreau, chef d’exploitation forestière. Entretien avec une professionnelle fière de son métier et de sa contribution au bien commun, qui souligne que l’utilisation du bois français n’est pas synonyme de déforestation.

En quoi consiste concrètement le métier de cheffe de travaux forestiers ? 

Une ou un chef de travaux forestier est un prestataire de service pour le compte de ses clients. Ce n’est pas un exploitant forestier (il n’est pas propriétaire des bois ou des parcelles).

Mon travail consiste à gérer les travaux d’exploitation qui visent à couper, ébrancher et débiter les arbres selon un cahier des charges (sélection des bois) puis de les débarder vers une place de dépôts. La coupe est soit manuelle, soit mécanisée et le débardage est effectué par engin porteur tout en respectant des règles de gestion durable des forêts et de sécurité des intervenants et des usagers de la forêt.

Mon travail consiste également à assumer la gestion comptable et financière de mon entreprise, de m’assurer de la rentabilité de mes chantiers et de mes investissements.

Le bois que nous exploitons a de multiples usages. Les différentes parties de l’arbre sont également utilisées pour des usages différents. Le bois d’oeuvre, c’est à dire le bois qui servira dans la construction et la fabrication de produits (meubles, charpente, parquet ou encore en tonneau) ; le bois d’industrie, qui permet de fabriquer des panneaux de fibres et de particules utilisés dans la construction, des produits destinés à la papeterie et à l’emballage grâce à la pâte à papier ainsi que des applications en chimie verte, avec des extraits des composés du bois. Et le bois-énergie et à usages connexes utilisé comme combustible, pour se chauffer ou sous forme de sciure (paillage culture, chaufferie etc).

Au quotidien, nous utilisons tous des produits issus de la forêt : des mouchoirs, du papier, des cartons, des crayons, des meubles… ce sont autant de produits qui nécessitent l’utilisation du bois.

Qu’est-ce qui vous a conduit à rejoindre ce secteur plutôt masculin dans l’imaginaire collectif ?

Les hasards de la vie… je suis arrivée dans la forêt à la suite d’un projet commun de vie et de travail puis, par la suite, j’ai poursuivi seule avec un nouvel associé.

Qu’est-ce que vous aimez particulièrement dans votre métier ?

Très vite, j’ai compris les enjeux de mon métier et surtout du travail qui a été réalisé par les générations passées pour développer les forêts, car nous disposons aujourd’hui grâce à eux d’une ressource abondante et diversifiée que nous continuons d’entretenir pour les générations futures.

Comme moi, les forestiers sont des passionnés, proches de leur environnement. Notre bureau, c’est la forêt. Nous avons le privilège de travailler avec une matière noble et vivante.

Au quotidien, nous utilisons tous des produits issus de la forêt : des mouchoirs, du papier, des cartons, des crayons, des meubles…

A quels besoins économiques ou sociétaux contribuez-vous à répondre au quotidien ?

Sans nous, les entreprises de travaux forestiers ne pourraient pas avoir les bois nécessaires pour construire les maisons, pour meubler les intérieurs ou pour se chauffer. Le bois est partout, dans nos emballages, dans nos supports papiers… nous sommes un maillon incontournable de notre filière.

Quels sont les défis majeurs auxquels vous êtes confrontée dans l’exercice de vos fonctions ?

Je vais vous répondre du point de vue de la filière bois car nous partageons tous des défis similaires.

Notre filière est au cœur de la transition écologique, enjeu majeur de notre époque. Je suis très sensible au changement climatique qui aura inévitablement un impact sur nos forêts.

Il est important que nous soyons accompagnés ainsi que les propriétaires et gestionnaires forestiers vers des actions d’adaptation des forêts et d’atténuation des effets du changement climatique. Cela se traduit par des choix d’essences, de sylvicultures et de travaux adaptés.

Depuis tout temps et encore plus aujourd’hui, notre filière réfléchit et se mobilise pour adapter et améliorer ses pratiques, en favorisant notamment une gestion durable et adaptée des forêts, pour concilier séquestration du carbone et production de bois (bois d’œuvre, bois d’industrie et d’énergie).

Comment composez-vous avec la défiance d’une partie de la société qui fustige les coupes d’arbres ?

Tout d’abord, il est important de rappeler que l’utilisation du bois français n’est pas synonyme de déforestation.

Après une coupe, la forêt est renouvelée par régénération naturelle ou replantation. Nous vivons dans une société où de nombreuses informations circulent, qu’elles soient vraies ou fausses. Cette diffusion se fait souvent malheureusement au détriment de la réalité, et du travail que font les professionnels du bois et de la forêt. Je ne nie pas que, comme dans tous métiers, il existe des bonnes et des mauvaises pratiques, mais ces dernières ne sont pas représentatives de l’ensemble de la filière.

Aujourd’hui, les coupes rases sont fustigées. Bien sûr, elles ne doivent pas être systématiques, mais elles sont nécessaires notamment par exemple pour des arbres dépérissants (nous parlons alors de “coupes sanitaires”) ou arrivés à maturité et s’intègrent dans un programme de gestion forestière qui prévoit des replantations. Les forêts françaises ne sont pas les forêts du Brésil, attention à la stigmatisation.

Nous ne sommes malheureusement pas aussi efficaces que nos détracteurs au niveau de la communication et il est nécessaire de communiquer et d’expliquer notre métier pour une compréhension de tout à chacun. Nous ne pouvons pas réclamer des maisons en bois, matériau éco-responsable très plébiscité par les Français et être contre la coupe de bois. En France la forêt est gérée durablement, ainsi que sa ressource. Communiquer ! Communiquer ! Communiquer ! C’est ainsi que l’on pourra contrer cette défiance…

« L’utilisation du bois français n’est pas synonyme de déforestation »

En quoi le secteur forestier est-il une voie professionnelle d’avenir selon vous ?

Le bois est partout dans notre vie ! C’est LE matériau de construction écologique par excellence, avec des performances énergétiques formidables. C’est une matière éco-responsable et une énergie propre. Il constitue aussi une ressource renouvelable car il est issu en France de forêts gérées durablement… Autant d’atouts qui donnent aujourd’hui au bois une place de choix dans les stratégies de décarbonation de l’économie déployées par les pouvoirs publics. C’est pour toutes ces raisons que les métiers du bois sont des métiers d’avenir !

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