L’entretien des forêts au cœur de la lutte contre les incendies

L’entretien des forêts au cœur de la lutte contre les incendies

Alors que des incendies font rage partout dans le monde, les professionnels de la forêts et les pouvoirs publics, en France, travaillent, depuis longtemps déjà, à la mise en place d’une politique de prévention et d’entretien des forêts publiques et privées pour réduire les risques de départ de feu. Explications.

Turquie, Grèce, Algérie, Californie… L’été 2021 est marqué par des feux d’une rare intensité, qui ravagent des milliers d’hectares de forêts à travers le monde. Y compris là où ils étaient habituellement rares : par exemple, en Finlande où 300 hectares sont partis en fumée dans le plus grand incendie que le pays ait connu depuis un demi-siècle.

De mal en pis

Certes moins touchée, la France, n’est pas non plus épargnée, cet été comme les précédents. En 2019, pas moins de 15 000 hectares de végétation ont brûlé, soit l’équivalent de 21 000 terrains de foot. La menace est donc prise très au sérieux. D’autant qu’elle devrait aller grandissante : 50% des forêts seront soumises à un risque d’incendie élevé dès 2050. « Avec les effets du changement climatique, de nouvelles zones seront exposées au risque d’incendie, notamment dans le nord-ouest de la France (Pays de la Loire, Centre-Val de Loire et Bretagne) », indique le ministère de la Transition écologique dans le document officiel : Feux de forêt et de végétation : les prévenir et s’en protéger. 

En Provence-Alpes-Côte d’Azur, Occitanie, Corse et Nouvelle-Aquitaine, ce risque s’étendra aux zones montagneuses au printemps, du fait du couvert neigeux de moins en moins important. La saison des feux y sera donc de plus en plus longue, passant de trois à six mois. « Elle pourrait ainsi débuter dès les premiers jours du printemps et se prolonger à l’automne », déplore le ministère. Les feux, quant à eux, gagneront en intensité du fait des sécheresses et des canicules de plus en plus récurrentes. Entre 2050 et 2070, les trois quarts du pays seront soumis au risque. Face à l’accroissement des risques, une stratégie intensive d’entretien des forêts s’affirme comme une nécessité de plus en plus prononcée, tant pour prévenir les risques naturels que les maladresses humaines. Aujourd’hui, les forêts les plus vulnérables restent les moins bien entretenues.

Entretien des forêts : l’autre « bon geste »

Passé les sirènes d’alarme, que faire ? On pourrait croire que c’est la nature qui déclenche la petite étincelle. Mais le dérèglement climatique agirait plutôt comme combustible, en favorisant l’effet d’emballement. La petite étincelle viendrait plutôt des hommes. En France, 90% des feux de forêt sont d’origine humaine, dont 50% liés à des imprudences, donc parfaitement évitables. Dès lors, adopter les bons gestes pourrait limiter bien des catastrophes. Dans le cas du massif des Maures (Var), dévasté par les flammes depuis le lundi 16 août, les enquêteurs estiment d’ailleurs qu’une cause humaine est hautement probable, bien que les investigations ne soient pas encore achevées. Un homme a d’ailleurs été interpellé le samedi 21 août pour une tentative d’incendie volontaire dans le massif des Maures.

Le ministère rappelle aux particuliers qu’il ne faut faire ni feu ni barbecue aux abords des forêts et espaces végétalisés. Il convient aussi de respecter les interdictions d’accès aux massifs forestiers, de ne pas jeter ses cigarettes en pleine nature, d’éviter les travaux sources d’étincelles en cas de sécheresse, de canicule ou de vent fort. Autre mesure de prévention : aussi ne pas apposer de combustibles (bois, fuel, butane…) contre sa maison. Et enfin, en cas d’incendie, prévenir les secours et se mettre à l’abri. Régulièrement, des campagnes de prévention sont déployées dans l’espace public, à l’initiative des pompiers notamment, pour acculturer les populations aux bons gestes. 

Une gestion salutaire

Prévenir les incendies, c’est aussi assurer une bonne gestion des forêts, arguent les professionnels du secteur. Pour Antoine d’Amécourt, président de Fransylva, Fédération Forestiers Privés de France, « une forêt gérée est moins sensible à l’incendie qu’une forêt non gérée ». Pourquoi ? Parce que les forestiers y assurent une surveillance, créent des pistes, améliorent l’accès aux pompiers, entretiennent les mares forestières, limitent la présence de bois mort (et donc de combustible) au sol…

Les habitudes de gestion des propriétaires sont elles aussi primordiales dans la gestion du risque incendie. Dans un rapport sénatorial présenté en 2019, le sénateur sarthois Jean Pierre Vogel dresse un bilan de la stratégie nationale de Défense des forêts contre l’incendie (DFCI) et y va de ses recommandations. « L’enjeu pour la prévention des incendies est de sensibiliser les propriétaires à l’entretien et à la valorisation des parcelles. Cela peut passer par l’implantation d’essences moins soumises au risque incendie… » D’un point de vue réglementaire, le code forestier contient tout un ensemble de règles et préconisations préventives et curatives, relatives à la lutte contre les incendies. Elles s’imposent aux propriétaires forestiers, en particulier dans les zones à risque.

Le code prévoit notamment le débroussaillement par les propriétaires des terrains situés à moins de 200 mètres des bois et forêts pour les territoires les plus concernés. En cas de risque exceptionnel, le maire peut intimer l’ordre à un propriétaire forestier de nettoyer les coupes des rémanents et des branchages. Hors zones à risque, des obligations de débroussaillement peuvent aussi être décidées par le préfet.

Surveillances des forêts publiques

En parallèle, au sein des forêts publiques, les 230 membres du service de défense des forêts contre les incendies de l’ONF s’activent à anticiper et à gérer au mieux les feux, étape par étape. La première consiste à guider les secours « grâce à un réseau de surveillance sur le terrain ; les équipes de la DFCI, lorsqu’elles repèrent un feu, peuvent transmettre très rapidement sa localisation aux pompiers », décrit l’Office national des forêts (ONF) sur une page dédiée.

Ensuite, une cartographie évolutive des contours du feu est réalisée en temps réel, via un système d’information géographique. Elle permet aux pompiers de connaître précisément la position du feu et de mettre sur pied une stratégie adaptée. Si le feu est très important ou d’origine suspecte, l’ONF « prend part à la cellule de Recherche des causes et circonstances des incendies (RCCI). » En amont, l’Office utilise les images satellites afin d’analyser et de déterminer les zones les plus à risques pour développer, en amont, des stratégies de prévention au cas par cas.

Quid de l’efficacité ? D’après Antoine d’Amécourt, « les efforts conjoints des forestiers et des pouvoirs publics ont permis de diviser la surface incendiée par deux entre les années 1990-2010 et les années 2010-2019 ». La surface des forêts ravagée par les flammes a même diminué de 46 000 hectares en moyenne annuelle ces quarante dernières années, à 11 800 hectares au cours de la dernière décennie. La prudence reste de mise, car les statistiques repartent à la hausse : 17 400 hectares partis en fumée en 2020, contre 15 000 hectares en 2019. D’autant que la multiplication des phénomènes climatiques extrêmes devrait encore accentuer les risques dans les zones les plus exposées du territoire français. Et ce, plus uniquement pendant les seuls mois d’été.