Fracture numérique : de plus en plus de Français concernés

Fracture numérique : de plus en plus de Français concernés

Alors que le gouvernement souhaite faire de la France un pays « 100 % connecté », les initiatives pour combler la fracture numérique se multiplient. Elles sont publiques (département de la Seine-Saint-Denis, ville de Strasbourg), associatives (CCAS de Ploemeur) et privées (SFAM).

C’est l’un des nombreux effets indésirables de la crise sanitaire. La Covid-19 est en effet « accélératrice et amplificatrice des fractures numériques », comme le révèle une étude réalisée par Sciences Po en octobre dernier.

Les périodes de confinement et les mesures limitant les déplacements ont « levé le voile sur des inégalités au sein de la population française quant à l’accès au réseau internet, aux équipements informatiques ainsi que des disparités dans les usages et les savoir-faire », regrettent les chercheurs.

Peu familiarisées avec l’informatique, de nombreuses personnes se sont retrouvées démunies face à l’obligation de réaliser des démarches en ligne (consultation médicale, commande de biens de première nécessité, obligation de s’inscrire en ligne pour bénéficier d’aides publiques…).

Selon les chercheurs, l’illectronisme touche entre 16 et 20 % de la population française, soit entre 11 et 14 millions de personnes. Issu de la contraction des termes d’« illettrisme » et d’« électronique », l’illectronisme désigne la fracture numérique de second niveau, soit un manque de compétences instrumentales (utiliser l’outil informatique, les logiciels les plus courants et internet dans un usage ordinaire) et structurelles ou informationnelles (chercher, sélectionner, analyser et utiliser l’information disponible).

Face à l’ampleur du phénomène, les pouvoirs publics et les acteurs privés se mobilisent. Dans le plan France relance, le gouvernement s’est notamment engagé à recruter, former et déployer 80 conseillers numériques en Seine-Saint-Denis. « Les difficultés pour les plus fragiles d’utiliser les outils numériques ont été particulièrement criantes pendant la crise sanitaire. Et on a vu à quel point le manque d’équipements s’était traduit en renforcement des inégalités », affirme le Département.

Au total, une enveloppe de 200 millions d’euros est consacrée à l’inclusion numérique dans le plan de relance. Elle devrait permettre de déployer 4 000 conseillers sur l’ensemble du territoire national. Ils aideront les Français à devenir autonomes avec les outils numériques du quotidien (échanger avec ses proches, faire son CV, suivre la scolarité des enfants en ligne, maîtriser les données personnelles, vérifier les informations…).

Assurance solidaire

Ambitieux, le gouvernement souhaite faire de la France un pays « 100 % connecté ». En effet, « l’accès au numérique pour tous doit permettre de combattre le sentiment d’isolement vécu dans de nombreuses zones blanches et permettre à tous un meilleur accès aux services. C’est aussi un levier essentiel pour la cohésion, l’attractivité et le développement des territoires », assure le ministère de la Cohésion des territoires.

Seulement, comme le rappellent Guillaume Asskari et Ali Jiar, du collectif la France connectée, cet objectif « doit s’accompagner de formations adaptées car si en plus des exclus du numérique nous considérons nos concitoyens qui ne sont pas à l’aise avec ces nouvelles technologies, nous comptabilisons près de 20 millions de Français ».

Afin de combler la fracture numérique, le gouvernement peut également compter sur un certain nombre d’initiatives privées. Ainsi, l’assureur SFAM propose une assurance affinitaire pour permettre aux foyers modestes d’assurer leur mobile afin d’avoir la possibilité de le remplacer en cas de besoin.

« Il nous a semblé important de lancer une offre d’assurance multirisque adaptée aux revenus modestes et permettre ainsi l’accès du plus grand nombre à ce type de couvertures. Chez SFAM, nous sommes persuadés que chacun doit avoir la possibilité de protéger ses biens, et ce, peu importe son pouvoir d’achat », explique Sadri Fegaier, PDG de SFAM.

A 1 euro par mois et sans engagement de durée, l’offre d’assurance solidaire propose d’importantes garanties contre le vol, la casse et l’oxydation, mais aussi contre les communications frauduleuses. Elle s’adresse aux bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), de l’allocation de solidarité spécifique, de l’allocation aux adultes handicapés ainsi qu’à toute personne ayant un niveau de ressources inférieur au niveau donnant droit à la couverture maladie universelle et aux invalides de guerre.

« Un outil d’inclusion pour tous »

Les initiatives se multiplient également à l’échelle locale. A Montpellier, 120 élèves de CM2, scolarisés dans la Cité éducative de la Mosson, vont recevoir une tablette avec connexion wifi ou 4G.

« Ces tablettes sont remises à des élèves ne disposant d’aucun équipement informatique à domicile afin de réduire la fracture numérique… Elles permettront notamment d’assurer la continuité pédagogique du travail, de la classe jusqu’à la maison », explique Sophie Béjean, rectrice de l’Académie de Montpellier.

La ville et l’Eurométropole de Strasbourg vont quant à elles distribuer près de 28 000 Pass numériques, des chèques de formation pour acquérir de l’autonomie digitale. Ces chèques seront distribués parmi les habitants des quartiers prioritaires ciblés par la ville grâce à la carte de la fracture numérique établie par son service de géomatique.

Enfin, le Centre communal d’action sociale (CCAS) de Ploemeur (Morbihan) propose des actions en faveur de l’inclusion numérique. Après avoir mis en place, au printemps 2019, des ateliers gratuits de formation et d’accompagnement à l’informatique et aux usages numériques, il a formé deux de ses agents à la médiation numérique.

A compter du 1er février prochain, les usagers pourront solliciter un rendez-vous d’une demi-heure à une heure pour être accompagnés dans leurs démarches ou pour bénéficier d’une aide ponctuelle.

Des initiatives similaires devraient continuer à voir le jour dans le pays, en particulier si la crise sanitaire devait se prolonger. Comme le soulignent les chercheurs de Sciences Po, « au regard de la situation sanitaire, économique et sociale actuelle […] il y a urgence à doter les ambitions affichées depuis plusieurs dizaines d’années de moyens suffisants pour faire du numérique un outil d’inclusion pour tous ».