Non l’hydrolien français n’est pas sous l’eau !

Non l’hydrolien français n’est pas sous l’eau !

Intermittentes car tributaires des cycles naturels, les énergies vertes compliquent l’équilibrage des réseaux électrique. Certaines sources d’énergies renouvelables se distinguent néanmoins par leur fiabilité et leur flexibilité : c’est le cas de l’énergie marine. A l’heure où les premiers projets de fermes hydroliennes apparaissent en Europe, décryptage des caractéristiques des potentialités de cette source d’énergie inépuisable venue de la mer.

Intermittentes car tributaires des cycles naturels, les énergies vertes compliquent l’équilibrage des réseaux électrique. Certaines sources d’énergies renouvelables se distinguent néanmoins par leur fiabilité et leur flexibilité : c’est le cas de l’énergie marine. A l’heure où les premiers projets de fermes hydroliennes apparaissent en Europe, décryptage des caractéristiques des potentialités de cette source d’énergie inépuisable venue de la mer.

Un mât, une nacelle, un rotor composé de plusieurs pâles, à première vue l’hydrolienne ne diffère pas énormément de sa parente l’éolienne. Pourtant, l’hydrolienne possède des caractéristiques propres qui non seulement la distingue de l’éolienne mais qui lui promettent également des perspectives d’avenir intéressantes. Encore peu connue du grand public, l’énergie hydrolienne est obtenue grâce à des éoliennes immergées dont les pales sont mises en mouvement par les courants marins. Situées à quelques kilomètres des côtes, là où les courants sont forts (supérieur à 4 ou 5 nœuds), les hydroliennes sont équipées de turbines dont la rotation, à marée montante comme à marée descendante, génère de l’énergie directement convertie en électricité par dynamo. Cette électricité est ensuite acheminée sur le réseau terrien via des câbles sous-marins.

Beaucoup plus petites que les éoliennes (3 à 20 mètres de diamètre contre 50 à 100 mètres), les hydroliennes produisent une puissance équivalente à celle de leurs parentes. Cela est principalement dû à la masse volumique de l’eau, environ 800 fois plus élevée que celle de l’air.

Grâce à son « Marine Energy Action Plan 2010 », le Royaume-Uni est pour le moment le pays européen le plus avancé dans le secteur des énergies marines. Avec ce projet, le pays vise une réduction de 17 millions de tonnes de CO2 à l’horizon 2030, 60 millions de tonnes d’ici 2050 et entend créer plus de 16 000 emplois.

Retour en France, où les premiers tests en matière d’hydroliennes ont été réalisés en 2011, dans le cadre d’un projet mené par EDF, près de l’île de Bréhat (Côtes d’Armor). Selon l’opérateur, les premiers résultats se sont avérés à la hauteur des espérances. Des débuts encourageants qui n’ont pour autant dissuadé General Electric (GE) de se désengager du projet Nephtyd qu’il menait en coopération avec Engie dans le Raz Blanchard. Arguant que le marché n’était « pas au rendez-vous des espoirs suscités entre 2009 et 2013 », le groupe américain a décidé de suspendre son activité de fabricant d’hydroliennes, et notamment la fabrication de sa turbine Océade, dont les premiers prototypes devaient être immergés au Raz Blanchard.

Un coup dur d’autant plus décevant pour le secteur qu’avec un potentiel de 3 GW, le Raz Blanchard compte parmi les plus gros gisements hydroliens mondiaux. A titre de comparaison, le nucléaire, qui compte pour plus de 78% dans le mix électrique français, a une capacité de 63 GW. Selon Frédéric Le Lidec, directeur des énergies renouvelables à la DCNS, groupe industriel français spécialisé dans l’industrie navale militaire, l’énergie nucléaire et les infrastructures marines, le futur potentiel du parc hydrolien « est équivalent à la puissance de deux EPR ». La France dispose en effet d’un potentiel très concentré au point de jonction entre la Manche et l’Océan Atlantique. « Il faut considérer ces sites comme des mines », illustre Marc Boeuf, directeur recherche et développement de l’institut de recherches France Energies Marines, « mais des mines inépuisables qu’on aurait tort de ne pas exploiter ».

Comme les autres sources d’énergies vertes, l’hydrolien offre en effet une capacité de production inépuisable. Ce qui la distingue des autres sources d’énergies renouvelables : sa productivité, extrêmement élevée. « On estime qu’elle fonctionne 4 000 heures par an » précise Antoine Decout, chargé de mission au syndicat des énergies renouvelables, soit 11 à 14 heures par jour. Cela représente un facteur d’utilisation compris entre 40 et 50%, soit un rendement près de deux fois supérieur à celui d’une éolienne. De plus, contrairement aux vents, les courants marins sont prévisibles à long terme car le courant de marée suit une courbe sinusoïdale aux amplitudes connues. « On peut anticiper la force du courant à 100 ans », s’enthousiasme Jean-Yves Pradillon, responsable du master énergies marines renouvelables, à l’Ensta, une école d’ingénieur brestoise. On comprend mieux dès lors pourquoi le ministère de l’écologie a assuré que l’abandon de projet de ferme pilote par GE ne remettait en rien en cause son objectif de production hydrolienne de 3 GW à l’horizon 2030.

Une bonne chose, car cette détermination de la part des autorités publiques est capitale. Une politique publique nationale incitative, anticipée et coordonnée sera indispensable pour permettre l’émergence d’une filière hydrolienne nationale compétitive. Politique d’autant plus aisée à impulser qu’au-delà de ses capacités de production d’énergie, l’hydrolien dispose d’atouts à même de faciliter son acceptation par le public. Sans signature visuelle et implantées hors des zones de chalutage, les turbines s’intègrent parfaitement dans les fonds dans lesquels elles sont déposées. Et pour cause, elles sont non émettrices de gaz à effet de serre, ne produisent aucun déchet et ne perturbent pas les activités anthropiques. De quoi décourager toute opposition locale aux projets de fermes hydroliennes.

Sans compter que le secteur offre de nouveaux débouchés à l’industrie navale française. Le 6 janvier dernier, DCNS annonçait la création de sa filiale, DCNS Energies, spécialisée dans les énergies marines. Son PDG, Hervé Guillou, soulignait d’ailleurs avec humour à cette occasion qu’il n’y avait « rien de plus semblable à une hydrolienne qu’une propulsion sous-marine » avant révéler, plus sérieusement, l’ambition du groupe de « devenir le ou l’un des leaders mondiaux du secteur d’ici dix ans ». Une volonté de développement annoncée qui s’appuiera fortement sur l’innovation : le groupe a investi près de 250 millions d’euros en huit ans pour « passer du stade poisson pilote au stade industriel », expliquait encore Hervé Guillou le 6 janvier dernier.

Le dynamisme de DCNS s’inscrira dans la tendance actuelle que semble suivre la filière. Car le secteur innove. Financé à hauteur de 3,7 millions d’euros par le Programme d’investissement d’avenir (PIA) piloté par Bpifrance, l’entreprise française EEL Energy a mis au point une hydrolienne à membrane ondulante inspirée de la nage de l’anguille (de l’anglais «eel»). Ayant pour objectif d’« imiter les poissons pour produire de l’énergie marine renouvelable », ce prototype nouvelle génération, équipée de convertisseurs électromagnétiques, devrait pouvoir augmenter la capacité de captation des énergies marines. Plus surprenant encore, l’entreprise Hydrotube Energie a mis a point un prototype d’hydrolienne flottante dans les eaux de la Garonne. Un premier pas vers le développement des hydroliennes fluviales. Les fluctuations saisonnières de débit très marquées des fleuves étant idéales pour évaluer la résistance des turbines dans différentes conditions, ainsi que pour mesurer leur production selon la force du courant.

Crédits photo : @EDF – BETERMIN FRANCK