Recevez chaque semaine le meilleur de zegreenweb !
La très sérieuse revue américaine Food and Chemical Toxicology a publié hier une étude qui pourrait avoir d’immenses répercussions.
Dirigée par le chercheur Gilles-Eric Séralini, professeur de biologie moléculaire à l’Université de Caen (Calvados) et président du conseil scientifique du CRIIGEN (Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie scientifique), elle a duré deux ans. Deux années au cours desquels deux cents rats ont été nourris au maïs OGM NK 603 de Monsanto, résistant à l’herbicide Roundup, également commercialisé par la multinationale américaine.
Englobant une centaine de paramètres, cette vaste expertise a évalué les impacts sanitaires d’un OGM et d’un pesticide « plus longuement et complètement que les agences sanitaires, les gouvernements, les industriels et d’autres chercheurs ne l’ont jamais fait », a souligné le Comité, qui fait état de « mortalités plus rapides et plus fortes au cours de la consommation de chacun des deux produits ».
Reprises notamment par nos confrères du site Internet Actu-environnement.com, ces conclusions ont aussi révélé que « les femelles développent des tumeurs mammaires importantes et en grand nombre ainsi que des perturbations hypophysaires et rénales ; tandis que les mâles présentent des atteintes hépato-rénales chroniques sévères ». « Les implications sont gigantesques », résume le CRIIGEN, qui vient donc de jeter un gros pavé dans la mare et de porter un coup très sévère aux tenants de la manipulation génétique dans l’alimentation. Incisif, le Comité considère en outre que les résultats de ses investigations – financées en grande partie par le secteur de la grande distribution, si l’on en croit les allégations du Nouvel Observateur - témoignent du « laxisme des agences sanitaires et des industriels dans l’évaluation de ces produits ».
Des propos corroborés par Greenpeace, viscéralement hostile aux OGM et qui a en particulier dénoncé « la proximité flagrante (des membres de l’EFSA (Autorité Européenne de Sécurité des Aliments) ) avec les industriels vendant des (plants transgéniques) ainsi que son manque d’indépendance ». Et l’ONG de demander à Bruxelles « un moratoire sur tous les OGM résistants aux herbicides en Europe » – soit la même requête que l’eurodéputé EELV (Europe Ecologie-Les Verts) et vice-président de la commission de l’agriculture et du développement rural au Parlement européen José Bové, pour qui l’étude pilotée par M. Séralini démontre qu’il est « urgent de revoir rapidement tous les processus d’évaluation des OGM » –, tout en appelant Paris à pousser la Commission européenne à modifier les procédures d’évaluation des OGM « demandée à l’unanimité par les Vingt-Sept Etats membres de l’Union Européenne (UE) en 2008 sous la présidence française », mais restée sans « suite sérieuse ». « La complaisance doit cesser ! Il en va de la santé des Européens et de la préservation de notre environnement », estime Greenpeace.
L’ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’alimentation), l’EFSA et le HCB (Haut Conseil des Biotechnologies) sont sur les dents
Alors que son livre La vérité sur les OGM, c’est notre affaire ! paraîtra demain, l’eurodéputée et présidente de Cap21 Corinne Lepage, que nous interviewerons dans quelques jours, a quant à elle évoqué « un trou béant dans les connaissances scientifiques ». « Tout Etat normalement constitué aurait dû faire une telle étude », a-t-elle également asséné, interrogée par Le Nouvel Observateur.
« Tout le système est organisé (pour qu’il n’y ait pas de recherches). Ça commence d’abord avec l’impossibilité d’avoir accès aux semences parce que Monsanto interdit que ces semences puissent être utilisées à des fins de recherche. Ça continue avec le fait qu’une majorité d’Etats ont œuvré pour que des études à long terme ne soient pas faites. Quant aux études à court terme sur quatre-vingt-dix jours, elles sont très insuffisantes. Et l’Agence européenne de sécurité sanitaire et alimentaire (EFSA) n’a jamais été très curieuse pour aller beaucoup plus loin », a poursuivi l’ancienne ministre de l’Environnement et présidente d’honneur du CRIIGEN.
L’association de protection de l’environnement Générations Futures n’a non plus pas tardé à réagir. « (Nous demandons) que de telles études menées sur des rats pendant deux ans soient immédiatement rendues obligatoires au niveau européen, afin d’évaluer le risque de la consommation d’OGM pour l’Homme sur la vie entière, et non pas seulement sur une durée de quelques mois, comme cela est pratiqué actuellement », a indiqué dans un communiqué son porte-parole François Veillerette, aux yeux duquel « ce type d’études est nécessaire pour protéger la santé humaine sur la vie entière et devrait d’ailleurs être utilisé pour évaluer tous les facteurs de risques – chimiques, nanomatériaux, ondes etc. – avant toute mise sur le marché ».
Autrement plus mesuré, le HCB (NDLR : Un organisme indépendant officiellement créé en avril 2009, constitué d’un Comité scientifique et d’un Comité éthique et qui compte soixante-six membres), qui a souligné travailler depuis son lancement « dans un souci permanent d’objectivité, de sérieux et de transparence », a de son côté voulu rappeler dans un communiqué, par la voix de son président Jean-François Dhainaut, « que ces questions sont extrêmement sensibles ». « L’information doit être maniée avec prudence et avec sérieux, afin de prévenir la surinterprétation médiatique de données scientifiques qui nécessitent une analyse approfondie avant toute interprétation définitive », a-t-il ajouté.
Saisi au même titre que l’ANSES par les ministres de l’Ecologie, de la Santé et de l’Agriculture Delphine Batho, Marisol Touraine et Stéphane Le Foll, le HCB va « procéder à l’examen de cette étude et en auditionner les auteurs dans les plus brefs délais » pour ensuite transmettre en urgence les résultats de ses travaux à l’EFSA. La machine médiatique n’en sera pas moins difficile à stopper. Tout simplement parce que le sujet est depuis toujours particulièrement sensible.
Recevez chaque semaine le meilleur de zegreenweb !