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Formulée après plusieurs mois de travaux, la requête démontre que la sécurité autour des centrales hexagonales n’est pas optimale.
L’Élysée, les ministres concernés et quantité de représentants de la filière n’ont pas ménagé leur peine pour vanter les mérites sécuritaires du parc nucléaire français. Le meilleur du monde selon leurs dires, manière de rassurer l’opinion et de signifier qu’un accident « type » Fukushima ne peut se produire dans nos frontières. Partisan de contrôles obligatoires, Nicolas Sarkozy a aussi donné son accord pour que les stress tests voulus par Bruxelles soient mis en oeuvre sur le territoire national. Il ne sera pas dit que rien n’a changé dans son esprit depuis la catastrophe japonaise, quoiqu’il n’entende pas être le président du renoncement à l’atome et a même tenu à conforter son hégémonie dans le bouquet énergétique (et que lesdits stress tests ne prennent pas les risques terroristes et les défaillances humaines en considération)…
De son côté, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) n’a jamais autant fait parler de lui que ces derniers mois. Pavé d’environ cinq cents pages, son dernier rapport d’expertise a été rendu public ce matin lors d’une conférence de presse. Remis à l’Autorité de sûreté du nucléaire (ASN) ainsi qu’aux membres des groupes permanents d’experts à la suite de l’examen des rapports des Évaluations complémentaires de sûreté (ECS), il a été « réalisé dans un délai très court à la fois par les exploitants d’installations nucléaires (EDF, le CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies renouvelables) et Areva notamment) et par l’IRSN, qui a mobilisé une centaine de ses experts sur ce sujet pendant plusieurs mois », détaille l’Institut sur son site Internet.
« Il est nécessaire que la conformité des installations soit respectée à tout moment »
Cette contre-expertise poussée a permis de dégager trois grands constats. Si les centrales peuvent être « considérées comme sûres », l’IRSN a en premier lieu appelé à un renforcement « sans tarder » de la sécurité autour des réacteurs nucléaires français, de sorte à mieux faire face à d’éventuels phénomènes météorologiques hors norme. « La question du comportement des installations nucléaires en cas de catastrophe naturelle extrême envisageable se pose car, en l’état, cela pourrait avoir des conséquences inéluctables, avec à terme la fusion du coeur et des rejets radioactifs », a-t-il averti, précisant que certains référentiels de sûreté des installations doivent en conséquence être révisés, « sans attendre les réexamens décennaux classiques », afin de se prémunir contre un tel cataclysme.
« Les évolutions de connaissances doivent conduire à revoir certaines exigences de manière anticipée. C’est particulièrement le cas de la prise en compte des séismes, pour lesquels la connaissance a beaucoup progressé ces dernières années, souligne également l’IRSN, qui a de surcroît mis le doigt sur « des écarts de conformité aux exigences requises » dans « un faible nombre d’installations ». Son directeur général Jacques Repussard a enfoncé le clou en rappelant les nécessités que « la conformité des installations soit respectée à tout moment » et que les corrections soient apportées rapidement. Lesdites disparités fragiliseraient en effet la sécurité des structures incriminées « dans le cadre d’événements pris en compte dans leur dimensionnement ».
« Des actions correctives sont déjà en cours et seront accélérées », a cependant assuré l’Institut, qui, « face à ces scénarios exceptionnels », prône l’adoption d’un niveau supplémentaire d’exigence de sécurité. « Intitulé “noyau dur”, il garantirait la pérennité des principales fonctions vitales des installations nucléaires durant plusieurs jours, le temps que des moyens externes au site puissent intervenir », a-t-il estimé.
« Par exemple, il faut que, dans chaque réacteur, il y ait au moins un générateur diesel qui soit en hauteur, indépendant et protégé, y compris son alimentation, et qui tienne même en cas de séisme très violent », a expliqué M. Repussard à nos confrères de Reuters. Examinant les centrales au cas par cas, ce dernier a par ailleurs évoqué des aménagements pour mieux protéger celles de Bugey (Ain), Civaux (Vienne) et Fessenheim (Haut-Rhin) contre les risques sismiques. Les sites de Fessenheim – décidément -, Chinon (Indre-et-Loire), Cruas (Ardèche), Saint-Laurent (Loir-et-Cher) et du Tricastin (Drôme), eux, seraient encore trop exposés aux inondations. Quant à ceux de Gravelines (Nord), Saint-Alban (Isère) et du Tricastin, encore lui, ils pourraient mieux prendre en compte la menace liée à la présence à proximité d’installations industrielles potentiellement dangereuses.
« Il n’y a pas de raison de sûreté de fermer tel ou tel site. Ce sera un choix économique », a toutefois tempéré M. Repussard, qui a évoqué un « plan industriel d’une certaine ampleur devant prendre en compte des arrêts de tranche » et a recommandé des travaux immédiats sur le réacteur EPR (European Pressurized Reactor) de Flamanville (Manche), actuellement objet de vives tensions entre EELV, qui réclame l’abandon de ce projet, et le Parti socialiste.
Ni le coût ni le calendrier des travaux que devra réaliser EDF n’ont en revanche pu être établis. Parce qu’on ne saurait transiger avec le principe de précaution en matière atomique, l’exploitant peut tout de même être sûr qu’il lui faudra mettre la main à la pâte. Dans l’intérêt de tous, dont le sien.
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