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Première femme à accéder au rang de Premier ministre, l’Australienne Julia Gillard, quarante-huit ans, a officiellement pris hier la relève de son collègue travailliste Kevin Rudd. Elle devra relever de nombreux challenges, notamment sur le plan environnemental, dans un pays qui se sait très exposé aux mutations climatiques et à l’une de leurs conséquences directes, la montée des eaux.
Chahuté dans son parti, M. Rudd a renoncé à participer à un vote interne qu’il savait perdu d’avance, laissant de facto la place à une numéro deux dont les aspirations « vertes » demeurent un mystère pour la plupart des observateurs. Celles du Premier ministre démissionnaire, elles, ne faisaient aucun doute, ainsi qu’en a témoigné sa décision, le 3 décembre 2007, jour même de sa prise de fonction, de ratifier le protocole de Kyoto (NDLR : Tout en étant favorable au principe de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), son prédécesseur John Howard ne l’estimait pas viable sans le concours des États-Unis). Quelques jours plus tôt, il avait offert le ministère de l’Environnement à l’ancien chanteur du groupe Midnight Oil Peter Garrett, surnommé le « Géant vert » et connu jusque dans ses chansons pour son engagement écologique.
Quel avenir pour Peter Garrett ?
Ce dernier restera-t-il en poste ? L’ancienne star du rock australien est en tout cas fragilisée depuis fin février et son désaisissement de certains dossiers à la suite de la mise en oeuvre de son programme national d’économies d’énergie, pour lequel Canberra a versé deux milliards de dollars australiens (environ un milliard quatre cents millions d’euros) de subventions et qui s’est soldé par de nombreux incendies et des accidents mortels (NDLR : Plusieurs victimes n’étaient pas des ouvriers professionnels et ont été électrocutées après avoir tenté de fixer au moyen d’agrafes des panneaux isolants en aluminium sur des toitures truffées de fils électriques). Certes pas complètement hors circuit – il était du reste présent lors de la dernière session de la Commission baleinière internationale (CBI) à Agadir (Maroc) – Peter Garrett pourrait toutefois ne pas être reconduit par la nouvelle Premier ministre, d’autant qu’il s’est attiré les foudres du lobby minier, encore très puissant en Australie, ainsi que celles de certains défenseurs de l’environnement qui ont peu goûté son absence de réaction face à la déforestation en Tasmanie.
Les écologistes attendent de Mme Gillard qu’elle prenne des mesures fortes pour mettre un terme à ce déboisement intensif qui, s’il favorise l’essor de l’industrie du papier, constitue également une grave menace pour la biodiversité.
Quid du super impôt sur les profits miniers ?
À l’origine de quelques-uns des déboires de son prédécesseur, le projet de supertaxe de 40 % sur les bénéfices dégagés par les entreprises minières pourrait quant à lui être enterré ou tout du moins faire l’objet d’un compromis. L’opposition manifeste de centaines de milliers d’actionnaires laisse en effet présager d’un bourbier politique en cas d’intransigeance. La nouvelle Premier ministre l’a d’ailleurs bien compris puisqu’elle a immédiatement annoncé la suspension de la campagne gouvernementale en faveur du super-impôt, que les deux géants de l’industrie minière de l’île BHP Billiton et Rio Tinto souhaitent non-rétroactif et ne portant pas atteinte au maintien de la compétitivité fiscale australienne par rapport aux autres États riches en ressources minérales.
Dans un pays dont les besoins énergétiques sont encore assurés à plus de 80 % par le charbon mais qui dans le même temps est de plus en plus préoccupé par les considérations climatiques, il lui faudra cependant donner des gages à la mouvance écologiste.
Celle-ci pourrait agiter une étude publiée en début d’année par le groupe de protection de l’environnement Beyond Zero Emissions, l’Université de Melbourne et l’Université nationale d’Australie qui a conclu à l’absence d’obstacle technologique pour transformer le secteur de l’énergie et à une possible neutralité carbone à l’horizon 2020. Pour l’heure trois questions se posent : quels sont les desseins énergétiques de Mme Gillard ? Dans quelles proportions encouragera-t-elle le développement des technologies « propres » ? A contrario jusqu’à quel point ménagera-t-elle les intérêts du secteur minier ?
On devrait en savoir davantage dans quelques semaines, peut-être lorsqu’elle s’exprimera sur un autre sujet particulièrement épineux, la création d’une bourse du carbone, projet de l’ancien gouvernement dans les cartons depuis de longs mois mais qui à force de reports répétés n’a toujours pas été adopté.
Quelle politique climatique ?
Ce statu quo est d’autant plus inquiétant que l’Australie, si elle n’est responsable que de 2 % des émissions mondiales de GES, pourrait être le pays industrialisé le plus affecté par la hausse du thermomètre mondial. Diverses estimations ont fait état d’une montée des eaux de plus d’un mètre d’ici à 2100 et aux dires de Roger Tomlinson, spécialiste de la conservation du littoral à l’université Griffith, « il existe déjà des problèmes » puisque « les grands immeubles à côté des plages ne permettent pas aux dunes de se restaurer naturellement après les tempêtes ».
Dans la mesure où plus de 80 % de la population (soit environ dix-sept millions de personnes) est établie sur les côtes, la plus grande vigilance est de mise et il faudra a minima respecter l’engagement chiffré de 25 % de réduction des rejets carbone d’ici à 2020, quoique de nombreux experts réclament davantage d’ambition en la matière.
La ministre du Changement climatique et de l’Eau Penny Wong a envisagé un programme national de digues, une révision des plans d’urbanisme et même un programme de retrait progressif des populations. Maintenue en avril dernier à la suite d’un remaniement ministériel, rien n’indique aujourd’hui qu’elle sera remplacée. Peu importe de toute façon qui aura cette charge : forte de projections alarmistes, la communauté scientifique australienne plaide à une écrasante majorité pour que le problème du réchauffement climatique soit pris à bras le corps et soit l’une des priorités des autorités. La parole et les actes sont maintenant à Julia Gillard.
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