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Alors que Barack Obama appelle à un arrêt temporaire de l’exploitation pétrolière offshore à la suite de la marée noire dans le Golfe du Mexique, la Royal Dutch Shell persiste et signe en déclarant vouloir développer de nouveaux programmes d’extraction dans l’Océan Arctique. Ce dès le mois de juillet.
L’eldorado des conglomérats du pétrole se trouve au Nord. Avec le réchauffement climatique et la fonte progressive de l’inlandsis arctique, il devient plus aisé d’aller explorer les ressources présentes en terres australes. L’Antarctique étant protégé par le traité de 1959, c’est en Arctique que les ambitions industrielles se concentrent désormais. Les réserves gazières et pétrolières cachées sous la banquise représenteraient il est vrai un quart des ressources mondiales en hydrocarbures. Leur accès est par ailleurs devenu plus facile avec la libération progressive du Passage du Nord-Ouest, un couloir maritime longeant les côtes canadiennes et permettant de se rapprocher des gisements des mers de Beaufort et de Chukchi, toutes deux visées par Shell.
Un moratoire sur l’exploitation des hydrocarbures
A la suite de la marée noire du Golfe du Mexique, le président américain Barack Obama a décidé la mise en place d’un moratoire d’un mois pour empêcher toute autorisation de forages, moratoire qui prendra fin dans une dizaine de jours. Les groupes écologistes étaient pour leur part favorables à un blocage permanent de ces plans. Aussi l’annonce de Shell a-t-elle amené le Pew Environment Group, qui se donne pour mission « d’éduquer le public et les décideurs politiques sur les causes, conséquences et solutions des problèmes environnementaux », à considérer que ce plan « ne montrait nullement dans quelle mesure ces entreprises pouvaient répondre à une catastrophe de la taille de celle du Golfe ».
Malgré les pressions politiques, le groupe pétrolier néerlandais a montré qu’il n’était pas disposé à renoncer à cette fantastique manne venue du froid. A sa décharge l’administration américaine avait déjà validé son plan avant l’explosion de Deep Water Horizon, par l’intermédiaire du Département de la Justice, lequel avait même refusé de prendre en compte les injonctions des autochtones alaskiens. Lors de son assemblée générale à La Haye mardi 18 mai, Shell a donc annoncé à ses actionnaires qu’elle allait accélérer ses prospections tout en cherchant à minimiser les risques de ces opérations. L’entreprise considère toutefois que les risques encourus en Alaska sont nettement plus faibles que dans le Golfe du Mexique.
Shell se veut rassurant
« Nous ne forerons pas en Alaska si nous ne pouvons le faire dans des conditions sûres et responsables », a déclaré Peter Voser, directeur exécutif du groupe néerlandais. Et de rappeler que « les caractéristiques des terrains offshore alaskiens sont différents de ceux du Golfe du Mexique […] Nous allons moins en profondeur donc il y a moins de pression ». M. Voser, qui a signalé que son entreprise avait déjà dépensé près de deux milliards de dollars dans le but de sécuriser ses sites, a en outre mis en garde contre un risque de pénurie et rappelé que « le monde a besoin de ces ressources fossiles à long-terme ». Les réserves des mers de Chukchi et Beaufort sont en effet estimées à 27 milliards de barils de pétrole et de gaz naturel, bien assez réveiller les appétits des industriels. Pour rassurer les officiels et la population, le président de Shell Marvin E. Odum a pour sa part déclaré que son entreprise était « capable de répandre du dispersant immédiatement après toute fuite de pétrole sous la mer ». Preuve de l’intérêt énorme que porte le groupe aux gisements arctiques : il a déjà investi plus de 3,5 milliards de dollars d’équipement pour ces explorations.
Shell est néanmoins déjà très critiqué au Canada dans la mesure où la multinationale néerlandaise exploite également la plupart des gisements de l’Alberta. L’extraction des sables bitumineux, courante sur place, dégagerait en effet trois fois plus d’émissions de gaz à effet de serre (GES) que les modes d’extraction « traditionnels », créant une véritable catastrophe environnementale, notamment dans la forêt boréale. Face au tollé Peter Voser a déclaré lors de la première assemblée générale annuelle de Shell en janvier dernier que ces méthodes « non-conventionnelles » d’extraction étaient toutes justifiées pour « s’assurer que le monde ne risquait pas de pénurie à court terme ». Au cours de cette réunion moins de 10% des actionnaires se sont déclarés favorables à une résolution appelant Shell à mettre à disposition du public un audit complet de l’impact environnemental et financier de leurs opérations, démarche massivement critiquée par le top management du groupe.
Chez les autochtones, l’inquiétude est de mise
A l’autre bout de la chaîne, les habitants sur place se demandent à quelle sauce ils vont être mangés. Les autochtones du nord du Canada ont réclamé un arrêt immédiat de toute activité de production d’hydrocarbures dans la mer de Beaufort, dans le Passage du Nord-Ouest. La leader locale Nellie Cournoyea a ainsi déclaré, au nom des Inuvialuits (NDLR : de la région d’Inuvik, dans les Territoires du Nord-Ouest) qu’elle n’avait plus confiance dans les promesses des pétroliers. « Je crois vraiment que ce qui s’est produit dans le golfe du Mexique démontre que les méthodes qui ont été préconisées ne seront pas efficaces ». A Point Hope, au nord de l’Alaska, les habitants redoutent que cette exploitation détruise leur mode de vie. Après des millénaires passés à se nourrir de ce qu’apportait l’océan Arctique (poissons, baleines, phoques) l’arrivée des magnats du pétrole ne présage rien de bon.
Dans l’autre espace de production convoité par Shell, la mer de Chukchi (Alaska), le groupe fait des pieds et des mains pour rassurer les décideurs : il a ainsi fait parvenir au Service fédéral de la Gestion des Minéraux de Juneau un document de cinq pages expliquant les méthodes utilisées pour les forages, comment il planifie d’éviter les marées noires et comment il agirait si une telle catastrophe devait toutefois se dérouler sur les côtes alaskiennes.
Là où le Pew Environment Group exprime les plus vives réserves, les autorités semblent plus à même de suivre les positions de Shell. Ainsi les sénateurs Lisa Murkowski, Don Young et Mark Begich (deux Républicains et un Démocrate) se sont montrés optimistes quant à l’acceptation du projet d’exploitation par les instances fédérales. Reconnaissant que la marée noire du Golfe était « une tragédie », M. Begich a toutefois estimé que les médias aggravaient son ampleur. L’Alaska, d’où est originaire la figure républicaine Sarah Palin, ne semble donc pas vouloir renoncer à son trésor pétrolier si facilement.
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